Lettre ouverte : une semaine après les attentats du vendredi 13 novembre

Vendredi 13, vendredi soir anodin, vendredi soir banal, nous profitions, comme à notre habitude, des joies offertes par une soirée de novembre exceptionnellement douce.

Nous, étudiants parisiens, Effeuilleurs d’une année, profitions tranquillement du début de notre soirée.

Soudain, les téléphones de certains d’entre nous se mirent à vibrer, sans que nous y prêtions vraiment attention. Mais peu à peu, ces vibrations s’accentuèrent, se multiplièrent, d’ondes fébriles se faisant séisme, de frissons se faisant tremblement. Nous ne savions pas, alors, que la nuit ne s’achèverait pas ce soir-là. Qu’elle enfilerait un manteau bien plus sombre que celui qui était devant nos yeux. Nous ne savions pas que les quelques étoiles que nous apercevions, au-delà des lampadaires, s’éteindraient quelques instants plus tard.

Dès lors, c’est un Paris vide et froid qui s’imposa à nous. Un désert urbain glacial, à l’image de nos pensées. Un Paris fort, mais affligé. Un Paris fier, malgré tout, résistant, mais définitivement blessé. La musique était devenue sirènes.

Cette semaine fut une semaine en dehors du temps, comme enveloppée d’un songe, comme inexistante, et pourtant si réelle. Aller au CELSA n’était plus une vague routine matinale mais un périple éreintant, parsemé de lignes bloquées, de colis suspects, de regards en biais. Certains d’entre nous s’absentèrent, quelques-uns se turent, beaucoup pleurèrent. Nous fûmes plusieurs à nous éloigner pour aller déposer fleurs et bougies. Des poèmes aussi.

Ces victimes, ces pertes, c’était la disparition d’un peu de nous-mêmes. Une part de joie, d’innocence, de fougue. A cette place désormais, l’ébahissement, l’effroi, l’incompréhension face à une cruauté sans précédent ni sentiment.

Dans la douleur et le choc, malgré cette terrible nuit, malgré cette noirceur, nous sommes désormais et résolument prêts à saisir la plus petite étincelle, la plus infime parcelle de clarté que nous pourrons trouver. Ensemble, nous vivrons plus fort, plus loin, plus hargneusement, plus grandement. Nous ferons de belles choses, de grandes choses, pour battre la froideur de cet hiver arrivé si brutalement.

Toutes ces personnes qui ne sont plus, nous les ferons vivre, quelle qu’en soit la manière. Pour combler le vide qu’elles auront laissé, il nous faudra être doublement.

Nous Effeuilleurs, mais surtout nous étudiants, nous femmes, hommes, français, parisiens, provinciaux, juifs, athées, musulmans, catholiques, déistes, bouddhistes, agnostiques, nous chanteurs, danseurs, musiciens, comédiens, écrivains, photographes ou sans talent particulier mais aimant celui des autres, nous âmes libres et résistantes, assoiffées de vie, de connaissances, de paix, de courage, de beauté, d’amour, de rires, de soleil, nous, qui que nous soyons, ferons taire la nuit.

Nous continuerons à faire ce que nous faisons. Avec plus de  conviction encore.

Nous rallumerons les étoiles.

Les Effeuilleurs.