INFLUENCEURS : VERS UNE SURCONSOMMATION PLUS « GREEN » ?

« Dis-moi ce que tu achètes, je te dirai qui tu es» ou plutôt : « Dis-moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu veux être ». Le phénomène de consommation de masse auquel nous sommes confrontés aujourd’hui ne date pas d’hier. Il s’agit bien d’un phénomène de société qui s’est développé progressivement depuis le siècle dernier pour finalement devenir presque banalisé.

À l’heure où la question environnementale devient de plus en plus préoccupante, nous voyons émerger quelques tentatives de résistance à ce phénomène massif de surconsommation, comme des mouvements anti Black Friday – journée de grosses promotions généralisées – tels que le Block Friday ou le Green Friday. Malgré tout, l’événement reste très attendu par de nombreux consommateurs.

Durant cette période, certains médias optent pour un traitement davantage descriptif que critique de la situation qu’engendre le Black Friday. Il est donc pertinent de voir que dans les médias de façon générale (la télévision jouant un rôle clé dans le relai de contenus aujourd’hui) mais plus particulièrement sur les réseaux sociaux (tels qu’Instagram, YouTube et autres), la médiatisation à visée d’influence joue un rôle important dans la création d’une didactique anti-surconsommation.

Ces médias agissants apparaissent comme des nouveaux lieux de sensibilisation à ce sujet. En effet, les supports médiatiques qui font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien ne se contentent pas de transmettre des informations, ils souhaitent faire réfléchir et par conséquent avoir un impact sur les comportements des consommateurs.

Mais alors, quel rôle jouent aujourd’hui les influenceurs auprès de leur communauté dans cette résistance à la surconsommation ? Comment choisissent-ils de médiatiser leur prise de position face à la question ?

A la quête d’une consommation et d’une communication plus responsable

 

Depuis quelques années, consommer de manière plus responsable et éthique est un leitmotiv. C’est également le propos de certains blogueurs, youtubeurs et influenceurs qui partagent avec leur communauté leurs cheminements vers une consommation plus écologique. Sur des plateformes comme Instagram, on découvre plusieurs influenceurs qui se disent « éthiques » : c’est le cas de Céline de la page @Iznowgood_ qui traite de la mode éthique et de consommation responsable, de la page Instagram @m.mme.recyclage qui lutte contre le greenwashing et donne un éclairage sur le recyclage et les lobbies, ou encore de @venetialamanna, influenceuse et activiste londonienne qui n’hésite pas à dénoncer les marques de fast-fashion notamment sur leurs pratiques douteuses durant les soldes.

Vers de nouvelles pratiques paradoxales 

 

Cette tendance de l’influence éthique est à prendre avec prudence. Le plus souvent, les influenceurs réellement engagés pour la cause environnementale ne comptent pas autant d’abonnés que les acteurs hégémoniques de l’écosystème (moins de 100 000 abonnés selon le magazine Stratégies [1]). Le paradoxe est que la vague d’influenceurs ayant drastiquement changé leur ligne éditoriale était, à l’origine, une vague d’influenceurs ayant construit leur fan base sur un business plan très consumériste reposant sur la promotion de produits au cœur de leurs contenus (on pense notamment à Enjoyphoenix qui, en 2019, annonçait ne plus vouloir recevoir de colis venant de marques). Il paraît néanmoins important de garder une cohérence dans son discours afin de ne pas donner l’impression que l’auteur traite le sujet uniquement parce qu’il est viral. De plus, cette influence « éthique » est doublement paradoxale. En effet, les premiers influenceurs continuent à développer leur business sur leur traditionnel modèle consumériste : création de marques vegan, cruelty free ou écoresponsables. Cependant, ces nouveaux projets qui se veulent éthiques, se veulent aussi rentables et continuent à inciter à la consommation d’objets superflus, ce qui renforce le paradoxe puisqu’un mode de vie écoresponsable passe d’abord par une diminution de notre consommation.

Le discours médiatique de l’influenceur dit « éthique » a de plus en plus d’importance auprès des consommateurs

Cette visée militante du rôle de l’influenceur n’est pas sans intérêt car elle vient justement se placer à contre-courant de leur mission principale qui est de faire consommer. On voit aujourd’hui que beaucoup essayent de faire consommer mieux. Pour les consommateurs, les influenceurs sont gages d’authenticité et de vérité : cela leur permet, à travers leurs contenus publiés principalement sur Instagram et YouTube, de partager et communiquer avec eux, certes, mais aussi de découvrir s’il est responsable ou non de consommer telle ou telle marque. Cependant, ces pratiques sont paradoxales chez certains influenceurs qui continuent à appuyer leur business sur le traditionnel modèle consumériste tout en prônant une consommation responsable.

[1] « Vert, la nouvelle couleur de l’influence », Stratégies, 28/10/2020
Célia Daniele, Marjorie Soufflet & Elisa Dautriche, étudiantes L3 Marque CELSA