Le hashtag vu par Marc Gonnet, spécialiste du développement des entreprises médiatiques

Diplômé de Sciences Po (Paris) et du CELSA , Marc Gonnet est Maître de conférences associé au CELSA. Avant de créer une « start-up de live entertainment », Marc Gonnet s’est principalement consacré à la télévision et à la radio. Directeur du marketing et du développement d’Europe 1 puis directeur de la stratégie de Lagardère Active, il a œuvré pour une modernisation des différents médias.  Il voit la digitalisation des dispositifs comme un passage obligé.

 

Selon vous, à quoi sert le hashtag à la télévision ?

À deux choses principalement : participer à la construction d’une image moderne d’un programme et de son diffuseur, et amplifier la visibilité de l’émission en se servant des réseaux sociaux. Il est important de voir ici que le rôle de Twitter est d’assurer une fonction d’intermédiation entre un média et son public, c’est-à-dire de connecter un programme à un public le plus large qui soit.

Qui en est à l’origine ?

L’origine peut être multiple, mais reste liée à un double principe : du côté de la production, tout ce qui est mis en place en dehors du programme le renforce. De même, tout ce qui est mis en place en dehors de Twitter participe à son développement. A partir de là, l’initiative peut très bien venir des producteurs, des community managers, ou à l’inverse directement de Twitter ou encore du grand public. Mais la mise à l’antenne est bien évidemment décidée par le producteur de l’émission.

Vous ne parlez pas des diffuseurs. N’interviennent-ils pas dans la mise à l’antenne d‘un hashtag ?

Ils avaient bien sûr un rôle primordial de régulation il y a deux ans, puisqu’il était interdit de citer directement les noms des réseaux sociaux à l’antenne. Aujourd’hui, la législation s’est assouplie, donc les diffuseurs interviennent moins dans la mise à l’antenne du hashtag, même s’ils gardent un droit de regard dessus. Mais de façon générale, l’idée aujourd’hui dans les différents médias n’est pas de se poser la question de l’utilisation du hashtag ou non, mais plutôt de savoir quel hashtag utiliser.

Que pensez-vous de la « course au hashtag » que l’on peut observer entre les différents programmes aujourd’hui ?

C’est une bonne nouvelle : les médias traditionnels sont de plus en plus inventifs pour se connecter en temps réel à leur public et travailler l’engagement de leur audience. Aujourd’hui, ils utilisent Twitter et les hashtags. Demain ce pourra être une autre plateforme, en complément ou en substitut. L’essentiel est d’être agnostique et de tenter des expériences, d’apprendre et de viser à toujours mieux entretenir le lien et capitaliser sur cette voie de retour du public.

Le hashtag fait d’abord sens pour les programmes diffusés en direct. Quelle est  sa fonction efficacité lorsqu’il est accolé à un programme de stock ?

Il est vrai que le hashtag bénéficie des caractéristiques du direct en renforçant une expérience collective, instantanée et simultanée. Mais d’un autre côté, il permet justement d’actualiser de l’enregistré en recréant une forme de direct sur Twitter. Un programme comme Le père Noël est une ordure par exemple, pourtant diffusé chaque année à la même date, trouve une seconde vie sur les réseaux sociaux où les internautes se réapproprient le hashtag #LePereNoelEstUneOrdure pour commenter en direct le programme, en relevant les moments phares ou citant les meilleures répliques.

A propos de la fiction justement : en France, le hashtag n’est pas surimprimé à l’écran lors des fictions. Est-ce pour éviter le risque de pollution visuelle ?

Oui, c’est pour ça que les conseils des développeurs de Twitter sont importants pour les producteurs, dans la manière d’entretenir le hashtag à la télévision. Si cela est assez facile dans les divertissements ou les émissions de plateau, pour lesquelles la surimpression n’est pas gênante, c’est en revanche plus compliqué pour les fictions puisque le hashtag empêche une expérience optimale de visionnage du programme. La stratégie pour le contourner peut ainsi consister à se servir de la présence des acteurs sur les réseaux sociaux pour les faire tweeter en amont de la diffusion en se servant du hashtag désiré. Ce qui se fait par contre nécessairement en différé.

Nous parlons du hashtag à la télévision, qu’en est-il pour les autres médias ?

La télévision n’est pas le seul média à avoir recours au hashtag et aux réseaux sociaux, loin de là, il est tout autant nécessaire dans la presse et la radio, voire plus. Si vous prenez la radio par exemple, qui est un média qui repose exclusivement sur une information sonore, le hashtag va permettre une forme d’incarnation visuelle une fois que l’auditeur a basculé sur la plateforme Twitter. En revanche cela implique des mécanismes d’intégration du hashtag différents selon le média : là où le hashtag est assez simplement surimprimé sur l’écran télévisé, il  se substitue au contenu dans le programme radiophonique. Sa présence est ainsi beaucoup plus encombrante à la radio, et dans la presse (l’espace y est limité), qu’à la télévision.