Quel journalisme pour les nouvelles générations ?

Le 16 novembre 2017 se tenait la soirée sonore n°4 au centre Pompidou. Dans le contexte de cet événement, Effeuillage a assisté à la conférence « Questions de générations, le premier débat pensé, organisé et modéré par des moins de 25 ans », une discussion entre Rémy Busine de Brut, Sarah Dahan de Konbini et Silvain Gire d’Arte Radio.

  • Brut

    Brut est un nouveau média d’information centré sur la vidéo pour les réseaux sociaux.

  • Konbini

    Konbini est un site internet jonglant entre information et publi-rédactionnel.

  • Arte Radio

    Arte Radio est une webradio proposant des documentaires sonores.

Cette première conférence était intitulée « Vers un nouveau journalisme ? ».

L’objectif était d’aborder les questions médiatiques des Millenials dans un dialogue animé par les premiers concernés : les millenials eux-mêmes, ce soir-là les rédacteurs de Twenty Magazine ( pour les 16/25 ans) et les participants aux ateliers du studio 13/16. Les invités présents avaient en commun la matérialité exclusivement digitale de leur média. Sarah Dahan, rédactrice en chef du Snapchat Discover de Konbini, côtoyait Rémy Buisine, « périscopeur » entré chez Brut et Silvain Gire, directeur éditorial d’Arte Radio.

Pendant une heure, les adolescents du public ont questionné les trois acteurs médiatiques sur leurs perceptions des changements du secteur digital, et notamment sur les nouvelles formes du journalisme.

« Les réseaux sociaux, nouveau courrier des lecteurs ? »

Les questions ont balayé un champ très vaste, où on notait l’importance d’une reconnexion entre médias et public de jeunes. Les réseaux sociaux touchent ceux qui ne regardent plus la télévision ni ne lisent le journal. Sur Snapchat Discover, Konbini cherche grâce au motion design à faire passer « des messages de société de façon plus ludique et directe » à leur audience.

Sur Brut, Rémy Busine note une liberté de ton permise par les réseaux sociaux : « on ne s’interdit aucun sujet ». Ils permettent ce contact direct, parfois même cette emprise des spectateurs : Rémy Busine explique qu’il implique les internautes lors de ses couvertures d’événements en intégrant leurs questions : « Je travaille pour ceux qui regardent, le journalisme on le fait pour les autres », précisant qu’ « en un an les critiques nous ont permis d’avancer ». Ces critiques auxquelles Silvain Gire prend garde en faisant attention « à ne pas laisser prise à un mot mal choisi » même si « quand on commence à tenir compte des avis, on ne fait plus rien ».

Le motion design désigne l’art de donner vie à des éléments graphiques grâce à des techniques audiovisuelles.

Un modèle économique et journalistique changé

Arte Radio publie des podcasts sur internet depuis déjà 15 ans ; pourtant Silvain Gire concède que toute cette nouvelle économie est encore fragile. Brut a choisi de se financer via des marques, avec une sélection très forte pour choisir les associations d’image et rester indépendant. Konbini sur Discover est décrit par Sarah Dahan comme « un magazine avec des pubs intercalées entre les contenus ». Les jeunes intervieweurs semblent très préoccupés par cette question de l’indépendance des médias. La conversation s’oriente vers la proximité supposée sur le net entre bloggeur et journaliste, et le statut de ce dernier dans l’abondance de contenus permise par internet.

Le rappel est clair de la part de Rémy Busine et Sarah Dahan : « blogueur et journaliste, ce n’est pas la même chose car il faut apprendre à travailler des sources à écrire, à contextualiser l’info » insiste la rédactrice en chef de Konbini Discover. « Il y a les nouveaux journalistes mais il y a aussi le nouveau public, plus sensible aux contenus dits « putaclic » (à l’appellation ambiguë pour attirer la curiosité) donc plus exigeant. Les journalistes chez Konbini ont une responsabilité car ils touchent un public très jeune ». Sur les réseaux sociaux et internet se modifie aussi la notion de rendez-vous : les vidéos de Brut peuvent tomber n’importe quand, « on n’est pas une émission télé avec un rendez-vous ».

Cette notion a été une grande question depuis les débuts d’Arte Radio. Silvain Gire raconte : « on avait l’impression de faire de la radio à cause de l’esthétique radio mais sans grille de programme. Et puis les concurrents [podcaster] sont arrivés… Depuis septembre 2017, nous avons mis en place des sortes d’émissions » pour accrocher les auditeurs, touchés par les histoires voulues comme « bouleversantes, qu’on va écouter, réécouter et qui donnent envie de s’exprimer ».

Pas d’opposition mais une complémentarité

La frontière entre web et médias dits traditionnels n’est pas radicale : le Discover de Konbini a un chemin de fer tout comme un magazine papier. La différence est la façon dont le produit est conçu : « pour et dans un écosystème de réseaux sociaux », remarque Silvain Gire en parlant de Brut et de Konbini. « Ces derniers temps, les réseaux sociaux ont été plus innovants que le médias traditionnels », analyse Sarah Dahan. Pourtant elle, comme Rémy Busine, s’accordent à dire que « Brut et autres ne remplacent pas les anciens médias, ils les complètent pour toucher un public plus large ; les modes de diffusion sont différents pour une même volonté d’informer », ajoutant : « Il n’y a pas d’ancien ou de nouveaux modes d’informations, juste de nouvelles offres».

Aujourd’hui on peut s’appuyer sur la force des communautés pour relayer l’info, avec une responsabilité de l’audience rappelée par Silvain Gire : «  sur internet comme dans l’alimentation, on est responsable de ce que l’on consomme ! ».

Sarah Dahan, passée par les formations classiques de journalisme et des grands noms de la presse magazine, conclut cet échange entre les jeunes rédacteurs et le public : « Ce mépris du digital est troublant : il n’y a pas à être pour ou contre, c’est juste là et il faut s’adapter ! » Un avis que partage Effeuillage.

Mathilde Wattecamps, M2 Médias & Management 2017-18

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