« Sommes-nous tous des médias ? », une discussion autour de la mutation des créateurs et curateurs de contenu

Mercredi 30 octobre 2013, les C3M avaient répondu présents à l’invitation de l’agence Babel 31 qui organisait une table ronde sur le thème de la migration de l’objet médiatique, largement facilitée par l’écosystème numérique. Autour de Vincent Viollain, président de l’agence Babel 31, étaient réunis Lorenzo Benedetti, créateur de la chaîne Youtube Studio Bagel, Antoine Boilley secrétaire général de France 2 et Julien Mielcarek, chargé des vidéos pour le Figaro.fr. Un débat placé sous le signe de la convivialité entre croissants et café.

La question des nouveaux médias

Pour Antoine Boilley les médias traditionnels comme France 2 sont aujourd’hui face à une double concurrence. D’un côté une nouvelle offre B2B a émergé : le développement de la TNT a considérablement augmenté l’offre de chaines gratuites mais aussi celui des Pure Players comme Youtube ou Netflix. De l’autre une offre B2C dont le but premier est selon Lorenzo Benedetti de combler ce qu’il appelle des White Spaces, ces moments de pause (temps de transport, d’attente…) où chacun de nous, grâce aux nouveaux usages, a l’occasion de devenir média en créant ou en projetant du contenu.

Pour les médias dits traditionnels le réajustement doit s’opérer en fonction de ces deux plans concurrentiels. Il s’agit pour eux de se (re)positionner afin que la concurrence devienne moins un problème qu’un vivier de nouvelles opportunités et de nouvelles écritures. Pour Antoine Boilley, la promotion d’un Hashtag n’est pas une fin en soi, mais l’édition de contenus essentiellement sur des plateformes numériques pourrait s’avérer une chance de maximisation de la durée de vie d’une émission télé-transmise dans son avant, son pendant et son après diffusion. Le dernier exemple le plus éloquent est Génération Quoi qui malgré des scores d’audience assez faibles est un vrai succès sur la toile, grâce au questionnaire mis en place et les vidéos qui l’accompagnent… Ainsi la vie de l’émission ne s’arrête pas au générique de fin du programme télé-diffusé mais elle continue au delà, représentant une réelle valeur ajoutée et une opportunité de dialogue social.

Au Figaro, les vidéos sont aussi une prolongation de la mission du média ainsi qu’une façon pour le journal de répondre à un contexte difficile pour la presse. La vidéo via le site Figaro.fr permet au journal de proposer d’autres contenus, de séduire un public qui n’est pas celui du papier et d’intégrer sa rédaction dans un futur plus numérique.

L’enjeu de la crédibilité

Antoine Boilley avance comme principal enjeu celui de la puissance. Pour Lorenzo Benedetti et Julien Mielcarek l’enjeu principal se situe plus du côté de la crédibilité et a fortiori la légitimité. Au Figaro.fr, les vidéos, si elles se réclament de plus de fraicheur et de jeunesse que la version papier, ne doivent en aucun cas altérer la crédibilité de la marque Figaro. C’est d’ailleurs dans cette recherche permanente de crédibilité que anciens et nouveaux médias se croisent : les anciens médias vont chercher l’innovation dans les nouveaux et ces derniers vont reprendre des dynamiques propres aux médias plus traditionnels notamment en proposant des rendez-vous ponctuels qui permettent d’augmenter les audiences (de leur chaine internet par exemple).

En ce qui concerne l’individu média, cette crédibilité est une question complexe. Cela explique d’ailleurs en partie la création de Studio Bagel qui permet de fédérer l’offre d’individus médiatiques, des humoristes déjà présents et connus sur la toile, afin de pouvoir leur offrir un surplus de crédibilité et donc de légitimité. Et la logique économique se met alors en place : quand la crédibilité est assise, une possibilité de monétisation est possible car le nombre de visionnages va considérablement augmenter. Rémunéré au Coût pour mille*, il est aujourd’hui possible de dégager des sommes importantes via des chaines Youtube (pour l’humoriste Norman, dix mille à trente mille euros pour 1 million de vues selon Lorenzo Benedetti).

La conférence a permis de poser la question de la concurrence d’une façon nouvelle prônant finalement l’échange de bons procédés entre anciens et nouveaux médias. Selon les professionnels participant à cet échange, il s’agit moins d’une guerre que d’une complémentarité évidente.

Prune Spire et Thibault Guichon, Etudiants C3M 2013-2014

 

Pour aller plus loin
COTTE, Dominique (2005), sous la direction de, « Tout peut-il être média? », Paris, Communications & Langages, n°146
JOST, François (2010), « Le besoin de partager », Les médias et nous, Editions Bréal
FLICHY, Patrice (2010), Le sacre de l’amateur, sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Editions Seuil

 

 Lexique

Coût d’un espace publicitaire Internet correspondant à mille affichages de la création (bannière, vidéo…). Facturé à l’annonceur.