Anarchy : entretiens

Effeuillage a rencontré Tristan Sanchez, grand gagnant du jeu Anarchy

Comment en êtes-vous venu à participer à Anarchy, qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?

J’ai beau cherché dans mes souvenirs, je ne me souviens pas comment j’ai atterri sur le site d’Anarchy. Il se trouve que j’ai eu la chance d’arriver alors que le jeu était lancé depuis seulement une heure, ainsi j’ai pu faire partie des premiers inscrits et être au courant du background dès le début. Je pense que c’est la curiosité qui m’a avant tout poussé à jouer. J’aime écrire, j’aime les jeux (rôles, vidéos, cartes, plateaux, etc.) et je m’intéresse fortement à l’actualité, au journalisme, à la politique. On va dire que le projet regroupait pas mal de mes centres d’intérêt, puis vu que la forme était nouvelle, j’étais vraiment intrigué.

Qu’est-ce qui vous a poussé à participer? Est-ce que vous participez souvent à ce genre d’œuvres participatives?

Je pense que c’est le contexte et le scénario qui m’ont attiré. J’étais intrigué de la tournure que pourrait prendre l’histoire, une France dans le chaos. Je voulais voir ce qu’il en ressortirait à la fin. Par contre je n’avais pas du tout prévu de m’investir autant dans l’aventure. C’était la première fois que je participais à ce genre d’expérience et je comptais surtout observer cette étrange expérience. Au final quand j’ai vu que je pouvais jouer le classement et que mes scénarios commençaient à influer dans le jeu, je m’y suis plus investi.

Comment avez-vous vécu votre participation ?

Anarchy a été avant tout une vraie aventure humaine. Que ce soit du côté des auteurs ou de l’équipe de rédaction. Nous avons eu la chance de rencontrer les journalistes qui travaillaient sur le jeu et l’émotion était notable des deux côtés. Sans nous leur projet n’aurai jamais pu marcher, et de notre côté nous avons vécu Anarchy quasi H24. Les deux premières semaines je passais 4 à 5 heures sur le site, à lire les contributions des autres auteurs, me renseigner sur les événements puis bien sûr écrire les aventures de mes personnages. Au bout de ces deux semaines, je commençais à être bien classé, et quand je suis arrivé à ma grande surprise à la première place, j’ai laissé tomber mes recherches d’emploi pour essayer d’assurer la victoire finale. Au final j’étais sur le jeu de 8 heures du matin jusqu’à 3 ou 4 heures !. Le « live » se terminait à 22h environ, mais je faisais partie d’un trio d’auteurs et nous écrivions donc nos scénarios la nuit. C’est avec ces deux auteurs que j’ai vécu toute l’aventure, mais très vite nous avons contacté les autres joueurs influents afin de nous mettre d’accord sur des scénarios de grandes envergures.

Il faut par contre mettre au clair l’histoire de la série TV. Elle se passe certes dans le même contexte que l’histoire d’Anarchy sur le site, mais elle est très facultative. Le vrai et le palpitant de l’histoire se déroulait sur le site, c’était les auteurs et l’équipe de rédaction qui la faisaient vivre. Voir un de ses personnages intégrés dans la série permettait de gagner des points, puis certes cela faisait plaisir, mais ce n’était pas la motivation des auteurs du haut du classement. Notre but était de créer des scénarios qui influencent tout le reste du jeu, les autres auteurs. On cherchait à faire l’actualité le plus souvent possible, en proposant des histoires cohérentes, originales et réalistes à la rédaction. Par exemple, à travers mes personnages, j’arrivais à créer du mouvement dans plusieurs événements, groupes de joueurs, zones géographiques, etc. Cependant, il était plus gratifiant et intéressant de se trouver des auteurs avec qui collaborer. Les scénarios avaient plus d’impact car ils étaient proposé par plusieurs joueurs qui s’étaient mis d’accord, ils étaient souvent meilleurs que s’ils avaient été pensés par une seule personne. Je pensais jouer l’histoire de mon côté, au final j’ai trouvé des compagnons de route qui m’ont appris beaucoup, m’ont fait progresser en terme d’écriture et m’ont soutenu pour aller gagner le jeu.

Si l’histoire de base avait été différente, auriez-vous quand même joué ?

Franchement aucune idée. Un autre sujet aurait pu m’intéresser encore plus. Le projet sous sa forme était déjà intéressant, il est vrai que si la storyline avait parlé de l’élevage de poneys en Champagne Ardenne, j’aurai eu bien plus de mal!

La série TV n’a pas vraiment marché en termes d’audience alors que le jeu a cartonné : est-ce que vous pensez que le jeu aurait pu se passer complètement de la série et n’être nourri que par l’équipe de rédaction et les joueurs?

La série TV manquait clairement de moyens, même si la seconde moitié commençait à montrer du mieux. Malheureusement on aurait tout à fait pu se passer de la série. Je crois que l’équipe de la rédaction et celle de production audiovisuelle ne bossaient pas forcément ensemble, c’est bien dommage. Beaucoup de joueurs souhaitaient voir dans la série ce qu’il se passait en France, au cœur de l’action, mais je pense que le budget ne le permettait pas.

Est-ce que vous pensez qu’on peut intégrer la participation du « public » dans des séries télé ?

Etant donné que pour moi Anarchy a été une réussite sur le site, car la rédaction a travaillé pour, je pense que la forme collaborative, participative est tout à fait possible pour une série TV. En tant que boulimique de séries, je suis persuadé que l’on pourrait arriver à de bons résultats. J’ai pu constater la richesse de certains scénarios dans Anarchy produits par plusieurs joueurs, c’est tout à fait possible. Il faudrait une équipe de scénaristes avertis pour coordonner le projet.

Est-ce que vous pourriez m’expliquer un peu plus en détails la manière dont vous « collaboriez » avec d’autres auteurs pour construire des histoires plus complexes et selon vous plus intéressantes?

Sur la plateforme d’Anarchy, il n’était pas possible de communiquer hors histoire, c’est-à-dire de parler d’un auteur à un autre auteur, et non pas de personnage à personnage. Il était  compliqué de pouvoir discuter pour se mettre d’accord sur une trame. Néanmoins cela permettait de conserver la spontanéité et d’éventuelles surprises en lisant les textes de ses associés. J’avais personnellement laissé mon mail sur mon profil, je sentais qu’à un moment ça pourrait servir. Et ce fut le cas. Certaines personnes m’ont contacté. Nous nous sommes vite retrouvés à 3, et avons utilisé Facebook par la suite pour communiquer, c’était un peu plus pratique que des tonnes de mails. Notre trio retrouvait régulièrement sur facebook trois autres joueurs très actifs qui eux aussi avaient de l’impact sur l’univers. A nous 6, nous avions la possibilité de décider de quasiment tout, c’était intéressant. Pour les scénarios, cela pouvait nous prendre pas mal de temps. Par exemple notre trio d’auteurs a fait évader les animaux du Zoo de Vincennes. Nous avons retranscrit l’événement avec 3 textes, un chacun. Mais cela a dû nous prendre une dizaine d’heures. Nous voulions que nos textes soient réalistes et cohérents pour que la rédaction les approuve. Entre aller voir les plans du zoo, google street view, les animaux qu’on pouvait y trouver, le moyen de rentrer à l’intérieur, etc. Cela a pris beaucoup de temps. Un autre exemple, nous avons mis une semaine pour nous mettre d’accord et trouver comment attaquer la Banque de France de façon plausible.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés lors du jeu? Que ce soit technique ou des divergences d’opinions avec des joueurs qui voulaient emmener l’histoire à l’opposé de ce que vous vous vouliez?

Forcément, il y a eu des conflits d’intérêts. Dans notre trio tout roulait, mais quand nous étions à 6, c’était plus compliqué. Sur ces 6 joueurs cela faisait entre 30 et 40 personnages pour notre groupe, avec forcément des buts différents, des convictions propres à chacun. A un moment nous nous sommes retrouvés dans une impasse, car nous voulions essayer de trouver une porte de sortie qui nous convenait à tous, ce qui était impossible du point de vue de nos personnages (pacifistes, anarchistes, citoyens, communistes, indépendantistes, etc). Il y a eu aussi d’autres joueurs qui se positionnaient comme « obstacles », mais globalement tout s’est bien passé, on a pu faire un peu comme on le voulait ! Peut être parce que nous étions influents, ou que les autres joueurs n’osaient pas s’ attaquer à nous. Mais je n’ai pas eu vraiment d’ennemi.

Du côté technique, le site a eu quelques bugs, mais rien de bien grave. La rédaction a fait un taff dantesque, tout le monde avait accepté le fait que ce type de projet était nouveau et que l’équipe s’ajustait petit à petit. Dans la globalité tout a roulé tranquillement.

Effeuillage a rencontré Rémi LEBOIS, participant d’Anarchy

14ème du classement et “collaborateur” de Tristan Sanchez

Est-ce que tu pourrais commencer par te présenter rapidement?

J’ai 23 ans et j’habite près du Mans. Je viens de terminer mon école d’ingénieur à la Centrale de Lyon, avec un stage de fin d’études terminé en septembre, et là je viens de trouver un job, je vais partir en mars en République Tchèque chez un équipementier auto.

Comment as-tu entendu parler d’Anarchy ?

Par hasard dans un programme TV, je suis tombé dessus et ça m’a intéressé.

Qu’est ce qui t’as intéressé exactement ?

Le côté transmédia en fait parce que j’avais déjà expérimenté Alt Minds, j’avais déjà fait ça. J’avais été un peu déçu sur plusieurs points donc je voulais retenter et puis vu que c’était pas mal sur l’écriture, ce qui me plaisait aussi.

Et le scénario en lui-même ?

L’histoire… c’est pas qu’elle ne me motivait pas mais je pense qu’il y aurait eu plein d’histoires qui m’aurait motivé. C’est plus le concept.

Comment en es-tu venu à participer alors ?

Je me suis inscrit tout de suite, enfin c’était commencé depuis un jour. J’ai tout de suite créé une famille entière en fait, c’était ça le concept de mon compte, avec les parents et cinq enfants et j’essayais de raconter leur histoire jour après jour. Ils habitaient au Mans, pas trop loin de Paris c’était pratique pour l’histoire parce qu’il s’est passé pas mal de choses à Paris.

Tu collaborais avec d’autres personnes ou pas ?

Plusieurs. Il s’est trouvé qu’à la moitié de l’histoire j’ai eu beaucoup moins de temps et c’est là que tout s’est accéléré donc Tristan [ndlr: le gagnant] était en contact avec plein de gens et moi j’étais en contact avec lui principalement et un autre, Endish. On avait trois personnages, enfin chacun son personnage et on faisait des interactions, on commençait des trucs ensemble, et puis deux trois autres se sont agrégés.

Qu’est-ce qui te motivait à écrire ?

Déjà, le fait que ça soit porté à l’écran. Le fait qu’il y ait des interactions avec les autres aussi, ça ça m’a pas mal motivé.

Est-ce que du coup tu as essayé d’orienter tes personnages pour aller à l’écran ?

Un ou deux oui, finalement y en a un qui y est allé mais c’était pas du tout un de ces deux là, mais oui j’ai essayé de les orienter un peu. J’ai essayé de les rattacher aux évènements importants, de les faire aller à des endroits intéressants, des choses comme ça. Les caractéristiques de mon personnage ont été assez bien respectées, toute façon on n’e fait pas de description, enfin souvent c’est de l’action donc on ne décrit pas forcément physiquement le personnage ; donc dans ce qu’il faisait, je l’ai reconnu. En fait j’ai eu pas mal de chance parce que parmi les 7-8 qui ont été sélectionnés, je pense que c’est celui qui a été le mieux adapté. Parce qu’il y en a qui étaient… qui ne correspondaient pas du tout à ce qui avait été dit.

En terme de droits d’auteur ça se passait comment ?

Une fois que c’était porté à la télévision y avait pas de problèmes. Ça pouvait faire des faux raccords parce qu’on était toujours aussi libre sur notre personnage, une fois qu’il était apparu à l’écran donc ça pouvait ne pas correspondre du tout. Moi je l’ai fait correspondre à ce qu’ils lui faisaient faire à l’écran mais bon, ils ont pas mis de restrictions. Certains joueurs ont arrêté leur personnage aussi parce qu’il y en a qui sont morts !(rires). Mais dans l’ensemble les gens respectaient ce qui avait été fait à l’écran. Et formellement on n’était pas contraints.

Tu as réussi à influencer l’univers d’Anarchy ?

Ce n’était pas facile parce que j’avais plus de temps à un moment, le moment où les trucs importants étaient lancés…donc j’ai pu influencer un peu au début mais je n’avais pas une influence énorme. La principale influence que j’avais c’était mon personnage dans la série. Par contre lui a été assez important, c’était un des deux personnages qui a été le plus longtemps à l’écran

Le classement t’intéressait aussi ?

Bah non, c’était plus pour le jeu vraiment, le classement n’était pas très important.

Que retiens-tu de cette expérience ?

Ce que je n’ai pas aimé, c’était par exemple que dans les interactions il y avait une règle que je trouvais stupide : on proposait un texte, quand on voulait faire intervenir des personnages dans son texte, on écrivait le texte et ça prévenait l’autre et en fait il devait l’accepter, ou pas, pour que le texte soit publié, qu’il soit pris en compte dans les deux histoires. Et en fait la règle c’était qu’à minuit s’il n’avait été ni accepté ni refusé, il était automatiquement publié. Et je trouvais ça vraiment dommage qu’ils n’aient pas plutôt donné 24 heures en fait. Ils auraient pu laisser 24 heures plutôt que de faire une règle à minuit parce que pour les textes publiés à 22h30 c’était un peu chaud.

Sinon, pour la série, on voyait que ce n’était pas du gros budget, elle n’était pas toujours intéressante. L’interaction entre les joueurs était vachement poussée mais la série pas trop, moi mon personnage a été assez logique mais c’était un des rares et en plus je n’ai pas écrit ce qui lui arrivait dans la série. J’ai écrit tout ce qui lui arrivait avant et une fois qu’il a apparu dans la série c’était plus nous qui décidions en fait. Ils prenaient un personnage avec un background et il était dans la série. Après ça paraissait compliqué, les épisodes étaient d’une semaine sur l’autre mais bon c’est vrai que c’était un peu décevant.

Je pense qu’en plus la série était difficile à suivre si on ne suivait pas le jeu en direct en même temps. En gros au début de l’histoire Hollande nomme un nouveau premier ministre qu’on ne connaît pas et au bout d’un moment il débarque dans la série et si on n’est pas au courant, si on ne suit pas le site, c’est difficile de comprendre. Je ne sais pas si on comprend vraiment ce qui se passe.

Mais donc ça t’a quand même bien plu que ton personnage soit adapté?

Oui c’est plaisant d’avoir son personnage à l’écran et son nom dans le générique !

T’aimerais refaire ce genre d’écriture collaborative?

Oui oui, c’est sûr.

Vous pouviez communiquer entre vous, entre auteurs?

Non, gros défaut du site ! En fait forcément on s’est dit « comment on peut faire » parce qu’on n’avait pas nos adresses mail ni rien et ce qui a commencé à se passer très vite c’est qu’on envoyait des faux textes en disant « n’accepte pas ce texte voilà mon adresse mail » et après on est rentrés en contact. Les administrateurs du site s’en sont aperçus après et c’est là qu’ils se sont dit « ah oui c’est évident il fallait une messagerie interne ». Ils nous ont expliqué, parce qu’ils nous ont invité à la rédac, qu’en fait tout avait été développé trop vite. Ça faisait longtemps qu’ils avaient l’idée mais quand on leur a donné le feu vert ça a été beaucoup trop vite et dans le site il y avait plusieurs défauts comme ça, des défauts d’ergonomie. Par exemple quand on citait deux personnages souvent ça buggait.

Tu t’organisais comment ?

Il faut avoir énormément de temps. Quand je n’avais pas de temps je n’y passais que 20 minutes, il y a des jours j’ai passé un temps fou, des heures et des heures. Le dernier jour je n,ai fait que ça, j’ai passé au moins 7-8 heures. Ça c’était le plus, parce que le dernier jour tout le monde était dessus ! J’y ai souvent passé 4 heures mais c’est parce que j’étais au chômage quoi (rires). Sinon t’as pas le temps, ce n’est pas possible. Pour être dans les gens influents, les vingt premiers en gros, c’est sûr que ça prend beaucoup de temps.

Tu as été classé dans ce jeu. Comment ça s’est passé ?

Il y avait un éventail d’actions avec des gains de 3 à 1500 points, 1500 points c’était ton personnage dans la série. Ecrire juste un texte pour un personnage ça c’était juste 3 points, si tu écrivais un texte en interaction ça en rapportait 10. . Ce qui était le plus lucratif c’était de faire des témoignages. Tu pouvais faire des photos ou des vidéos avec un commentaire « j’ai été témoin d’un évènement ». Il y avait un dernier truc, les suites de héros. Ça j’étais un peu déçu aussi. Ils ont créé 5 personnages qui ne sont pas dans la série, qui appartiennent un peu à tout le monde et tous les jours, il y avait un concours pour écrire la suite de leur histoire. T’écrivais la suite avec une contrainte, utiliser tel mot dans ton texte ou un truc comme ça, et fallait écrire la suite et donc en 50 chapitres ils ont développés ces personnages. C’était un peu dommage parce que moi je pensais que leur but c’était de les intégrer à la série à un moment mais en fait ils sont restés indépendants, ils ont eu chacun leur histoire ils se sont même pas croisés entre eux. C’était un cadavre exquis en fait, la collaboration elle était là dans le sens où on a écrit ça tous ensemble. Ils sélectionnaient tous les soirs la suite qui leur plaisait le plus pour chacun des 5 personnages et voilà.
Je pense que les organisateurs attendaient beaucoup plus de monde parce qu’ils ont mis des récompenses jusqu’à la 100ème place et franchement, pour être 100ème c’était vraiment pas dur, à mon avis il suffisait de jouer une semaine.

Est-ce qu’il y avait de la relecture ou pas?
Ils ne corrigeaient pas, ils ne retouchaient as du tout mais ils ont dit qu’ils lisaient tout. Des joueurs vraiment très actifs, il n’y en avait pas tant que ça, mais c’est vrai que ça leur faisait beaucoup de lecture.

Comment as-tu rencontré la rédaction ?
Ils nous ont envoyéun mail, on a été chez eux donc on a rencontré toute l’équipe. C’était pour discuter un peu, voir l’envers du décor, ils nous ont fait faire des interviews filmées. Parce que moi j’étais 14ème dans le classement.

Mot de la fin ?
C’était vraiment positif, je serais prêt à recommencer le seul problème c’est le temps que ça prend. Ca prend un temps fou, à moins d’être en vacances ou au chômage c’est difficile de vraiment s’impliquer.

Effeuillage rencontre Clémence LELEU, journaliste de la rédaction d’Anarchy

Quel a été votre rôle dans le projet Anarchy ?

J’ai participé au projet Anarchy en tant que journaliste qui écrit de la fiction. Donc j’écrivais sur le site d’Anarchy comme si c’était une situation réelle, avec des infos réelles. Mon équipe et moi-même écrivions chaque jour des articles et en parallèle nous devions aussi construire la trame du monde d‘Anarchy. C’est en fait un projet qui date de 4 ans, la trame a été rapidement écrite par des journalistes et l’idée était donc de faire participer des joueurs. On s’est rapidement rendu compte que ces participants ne partaient pas du tout dans le direction appréhendée à la base, notamment en faisant mourir assez rapidement un des personnages principaux qui était supposé devenir le « héros final ». Nous avons donc du tout réécrire et trouver de nouvelles idées. La dernière semaine a été particulièrement difficile car on devait trouver quelque chose qui allait embarquer les gens et les faire participer d’autant plus. On a réussi à les surprendre avec un saut dans le temps de un an dans l’histoire, auquel la production n’était pas favorable à la base.

Les articles rédigés étaient-ils uniquement des idées de l’équipe ou y avait-il également des réactions aux décisions des joueurs ?

On avait la rédaction « froide » avec des articles économiques, politiques, etc. afin de préserver le cadre du site. Et la rédaction « chaude » avec des articles par rapport aux décisions des joueurs sur le fil de l’histoire. En complément, on leur demandait quelles étaient leurs stratégies pour leur personnage  et on rédigeait nos articles par rapport à ça. Les joueurs étaient très impliqués. On pourrait les classer en deux catégories. Ceux qui jouaient « pour » les personnes principaux, pour créer la suite de leur histoire et donc investissaient peut être une heure de leur journée. Et les joueurs qui étaient là pour gagner, qui voulaient laisser une empreinte sur le jeu et consacraient leur journée à Anarchy.

A part le temps, y-a-t-il une limite à la participation des joueurs ?

Oui, il fallait tout de même les cadrer. On pouvait les laisser partir dans leurs histoires jusqu’à un certain point. En effet, beaucoup enchaînaient les guerres civiles par exemple, et rendaient le contenu stérile. Si cela durait trop longtemps, les participants se seraient lassés malgré eux : il est difficile de recommencer une histoire une fois que tout le monde est mort. D’autant plus que souvent les joueurs avaient tendance à batailler pour tuer d’autres joueurs et gagner des points. Une autre limite serait au niveau de l’étendue du projet. Il est tellement tentaculaire qu’il était difficile pour certains de trouver une porte d’entrée. Le projet Anarchy en proposant beaucoup : ceux qui aiment la fiction, ceux qui aiment écrire, ceux qui aiment jouer. Certain participants ne savaient donc pas par où commencer. Mais pour moi le projet reste réussi, car entre autres il est le premier de ce genre d’une telle envergure, avec un budget de 1 million d’euros.

Parlez-nous de votre expérience en tant que rédactrice.

On était 12 dans l’équipe : un community manager, 10 journalistes de milieux différents (scientifique, philosophique, sortie directement d’école, etc.) et deux « politiques » (le chargé de communication de Cécile Duflot pendant sa campagne et un attaché parlementaire d’un député européen) afin que les discours soient le plus plausibles et réalistes. Pour ma part, j’ai beaucoup appris pendant ce projet car je sortais directement de mon école et il était assez difficile d’écrire des choses qui n’existent pas après 2 ans de formation sur le réel. Ici on fait des interviews de gens qui n’existent pas, on invente leur réponse, on invente le cadre. C’était vraiment un travail d’auteur payé en tant que tel en droits d’auteur.

Qu’est ce qu’apporte réellement la participation des joueurs ?

Il y a une réelle ambition de créer un monde, de créer une œuvre, sinon on aurait fait un objet journalistique par des auteurs uniquement. On a été très surpris par la façon d’écrire des joueurs : ils écrivaient bien. Intégrer les joueurs comportait des risques de mal-écriture ou d’inventivité médiocre. Or nous avons eu affaire à l’inverse et c’est ce qui a rendu le projet intéressant. Les joueurs étaient là pour créer quelque chose d’original mais aussi pour nous challenger.

Pensez-vous que la participation des spectateurs/lecteurs dans les œuvres de fictions est l’avenir de ce type de divertissement ?

Oui notamment pour le journalisme et l’apprentissage par le jeu. Par exemple, Florent Morin, qui travaille avec nous, a une société de Game Play et créé des applications et des jeux participatifs concernant des événements d’actualités.

L’avenir du journalisme n’est pas que là évidemment, mais c’est une des clés pour réintéresser les gens à ce qui se passe, en les intégrant pour les faire réagir. Certains se sentent parfois très loin des infos, difficilement « accessibles», donc les intégrer les invitant à donner leur avis  peut être une nouvelle forme de journalisme.

Qu’avez vous pensé de la série TV Anarchy ?

Je n’ai pas du tout aimé. On n’a jamais vraiment vu ou discuté avec les créateurs de la série. A la base cela devait être la vitrine du site et finalement la série était comme facultative, elle ne racontait même pas la même histoire que la nôtre. C’était en huis clos, pas très bien filmé.  L’idée de base est bien « on intègre des joueurs on tourne en 4 jours on monte en 4 jours et on diffuse le jeudi soir quelque chose qui a été tourné a partir du lundi » mais ça n’a pas bien marché. Je ne sais pas si c’est dû au manque de temps ou au scénario. Regarder les 2 premiers épisodes m’a fait un peu honte par rapport au travail que j’avais fourni sur le site. Cela dénotait, ce n’est pas ce qu’on voulait transmettre. C’était un projet ambitieux certes. Mais l’un des problèmes majeurs est qu’ils faisaient entrer un personnage de joueur dans l’épisode et le tuait presque directement. L’intérêt de la participation disparaissait presque.

Avez-vous d’autres commentaires ou retour sur Anarchy ?

Je dirais que c’est encore un type de projet quelque peu élitiste car il y a quand même un travail de tri et de correction derrière. Mais c’est certainement le début d’une réflexion et d’un processus dont on ne peut pas forcement voir les effets maintenant.

Le projet a permis de développer une envie de « mieux faire » chez les participants et c’est ce vers quoi on  va tendre, il faut les pousser à développer leur connaissances et leur talents pour arriver a un produit de qualité, aider les gens à prendre confiance dans leurs capacités. On a d’ailleurs vu des joueurs qui tâtonnaient au début et après 2 mois d’écriture, rendaient leurs travaux avec moins de fautes, mieux écrits. Il faut trouver un mécanisme de valorisation des joueurs, si leur texte n’est pas repris ou si on ne les félicite pas par un système de points ou par des mails de remerciement, les gens ne vont pas continuer, il y a un vrai équilibre à trouver.

On n’aurait pas vécu sans nos joueurs et nos joueurs n’auraient pas vécu sans nous. C’est ce que les producteurs de la série ont oublié: ils ont fait mourir les personnages et ils ont oublié l’audience.  C’est mon avis de spectatrice sachant que je n’ai pas travaillé sur la série.

Effeuillage a rencontré Roland RICHARD, rédacteur en chef adjoint d’Anarchy

Qui êtes-vous?

J’étais rédacteur en chef adjoint du projet Anarchy et présentateur de la partie Flash vidéo. Le processus transmédia dans lequel on se trouvait initialement c’était d’avoir des personnages créés par le public qui intégraient la série. On n’était pas à l’origine de la série.

Je faisais du travail de fond, j’avais un rôle de veille le week-end et j’assurais une continuité dans la journée.

J’ai écris des articles, j’ai beaucoup géré la partie jeu avec le CM. En plus de ça j’ai écris les flash. J’ai commencé le projet en amont et j’ai écris les règles du jeu et j’ai commencé à fabriquer une banque de photographies pour illustrer le site. J’avais un côté référent. On s’occupait de tout ce qui était exécution des morts manuellement à minuit, les réponses aux joueurs mécontents ou perdus et tout ce qui était désignation de personnages de la semaine, tout ce qui était récompense.

J’ai été beaucoup en contact avec les joueurs et progressivement le CM a pris le relais et j’ai pu me consacrer plus à l’éditorial avec la relecture d’articles et leur validation.

C’était pas une rédaction très hiérarchique on était assez autonomes. Je me suis consacré à la production de vidéo sur le site donc avec le flash et valorisation de l’expérience des joueurs en vidéo : trois fois par semaine on lisait un texte d’un des joueurs.

On a mis en place un certain nombre de protocoles pour savoir quoi faire aussi. On a tout inventé au fur et à mesure et en accéléré. J’étais surtout dans la coordination.

C’était reprendre valorisation des points, des récompenses. il y avait des règles avancées pour les joueurs vraiment à fond et une FAQ pour les plus “débutants”

Qu’est ce que représentent les joueurs très actifs sur la participation totale?

On va récompenser une centaine de joueurs et je dirais que c’était les joueurs actifs et par actifs j’entends tous les jours. Parmi eux les très actifs il devait y en avoir une quinzaine qui étaient là plusieurs heures par jour et de joueurs qui ont vraiment évolués et qui venaient plusieurs fois par semaine je dirais 400-500 sur les 2500 inscrits.

Vous avez eu un retour positif du coup?

On a eu un super retour qualitatif, on avait pas d’objectifs quantitatifs à proprement parler, on avait pas de nombres qu’on cherchait particulièrement on savait pas du tout ce que ça allait donner. Donc l’objectif principal c’était d’avoir un bon temps moyen passé sur le site et des joueurs satisfaits. On peut être très contents de l’intérêt qu’on a suscité chez les joueurs et d’avoir amener un certain nombre de personnes sur des sujets qui ne leur sont pas du tout familiers : question d’économie, question de frapper des monnaies, des banques. Des sujets qui généralement en journalisme sont assez élististes et qu’on a réussi à étendre et ça c’est une vraie satisfaction. Et le chiffre dont nous sommes très heureux c’est 12 minutes de temps moyen passé sur le site ce qui est vraiment remarquable surtout pour un site naissant.

Et les joueurs mécontents?

On a eu très peu de gens vraiment mécontents, on a eu des petits soucis techniques, on a eu des joueurs qui ne pouvaient plus jouer car ils n’avaient plus accès à leur compte et on a été surpris car on en a un ou deux qui sont restés une dizaine de jours sans pouvoir jouer et qui sont restés, qui se sont remis à jouer et qui ont fini haut dans le classement. On a eu des joueurs extrêmement investis donc malgré les soucis inhérents au projet et la complexité du site. Des gens vraiment mécontents c’était la marge, c’était des gens qui étaient pas contents sur la politique parce que ça correspondait pas à ce qu’ils attendaient du nom et donc on fait beaucoup de pédagogie sur le projet. On a eu des gens qui étaient mécontents mais que le projet existe donc là on pouvait pas faire grand choses.

Comment on explique l’investissement de certains joueurs?

Je pense qu’il y a un effet de substitution qui se créé, quand on est dans un projet comme ça il y a quelque chose de complètement immersif, alors il faut bien évidemment accepter de rentrer dedans mais une fois que c’est fait on a vraiment créer un monde parallèle. Donc a partir de ce moment là les gens qui ont vraiment envie de rentrer dedans ils peuvent partiellement y vivre. C’est un projet à tonalité politique, économique, y a eu un effet, les gens se sont sentis très concernés. Quand on a commencé le projet l’euro était au centre des questions donc on arrivait pile au bon moment. Il y a eu cet effet là et puis après y a pas mal de contenus sur Internet mais y en a pas tant que ça qui sont aussi interactifs. Nous on avait un très gros suivi avec les joueurs, on a essayé de leur parler, leur expliquer, leur répondre. Le site en lui même offrait plein de possibilités mais était pas super ergonomique donc on a fait beaucoup de pédagogie, des tutoriels. Et je pense qu’une fois que les gens sont rentrés dedans ils avaient accès à un vrai monde. On avait un objet multimédia en plus avec une série comme débouché donc on avait vraiment quelque chose qui pouvait potentiellement prendre tout le temps. Les gens nous ont beaucoup dit ça : il fallait gérer beaucoup d’aspects en même temps, on était un peu obligés d’être immergés. Je pense que le succès s’explique comme ça. C’est le rêve d’un joueur de jeu de rôles avec un projet polymorphe où il y a toutes les possibilités. Tout ce qui était participatif on pouvait le faire et en plus tout ce qui était produit de la rédaction était tout aussi multimédia et polyvalent. Y avait des gens qui regardaient que les flashs. On a réussi à intéresser des gens en proposant un contenu qualitatif et très varié.

Ce n’était pas un peu trop justement? On ne se perd pas?

Ce n’était pas évident de rentrer dans l’univers donc là encore on a essayé de faire de la pédagogie, très régulièrement on faisait des articles en repères. Après on a des gens qui ont suivis le site de manière complètement imprévisible. Une personne a suivit uniquement avec les alertes push qu’on envoyait nous sur les grosses actus, elle avait téléchargé l’appli et suivait comme ça. Ça fournissait un canevas sans suivre tous les jours sur le site.

Et la série alors?

On savait qu’on avait un objectif qualitatif moindre avec la série dans la mesure où on la fabriquait en très peu de temps, un 26 minutes en 1 semaine avec un personnage intégré, scénario écrit et tout. On a respecté l’engagement on a intégré un à trois personnages par semaine jusqu’au bout en dépit des immenses difficultés dans lesquelles ça pouvait mettre le scénariste et la production et puis on a respecté le fait qu’on fournissait un produit broadcast avec une histoire qui se suivait. Le regret que j’ai c’est que la série était assez violente et que par moment elle était décalée par rapport au reste de l’histoire. C’était un huis clos très violent. Le début du projet sur le site est beaucoup moins violent mais parce que c’est un microcosme ça devient très violent rapidement. On a fait un truc qui existe pas quoi, personne n’a fait ça en essayant à tout prix de respecter le projet transmédia. Bon après c’est vrai dans la série on pas eu que des retours positifs mais très vite je me suis dit mais en fait l’objectif était de voir si c’était possible.  On l’a fait et je pense qu’on peut faire beaucoup mieux, peut être créer des délais supérieurs pour fabriquer le produit.

La participation pour la fiction TV c’est l’avenir?

Ca a déjà été un peu fait avec Alt Minds aux Etats-Unis, je pense que ça a un immense avenir et en fait c’est ce qu’on a prouvé avec Anarchy. Au final au delà de la qualité de la série, on a prouvé que les gens se surinvestissent dès que les gens sentent qu’ils peuvent avoir un impact sur l’histoire.Que ce soit dans le projet ou la série, jusqu’à ce que le pouvoir soit en délitement on a été obligé de beaucoup cadrer et mettre les personnages à la marge des histoires qu’on publiaient mais toute la deuxième partie ca a été entre 50-60% créés par les internautes et plus les gens ont sentis qu’ils avaient un impact, plus je les ai sentis investis. Je pense qu’il y a un véritable avenir du coup. Si vous confiez la fiction aux gens, à de gens qui se trient eux-mêmes finalement. Les gens qui restaient ont très clairement leur place pour écrire une série. Peut être pas seuls parce que c’est pas leur métier et ils inventent des choses que les gens qui travaillent dans l’audiovisuel n’auraient pas inventés. C’est ça qui était formidable, ils ont créés des personnages qu’on aurait pas imaginé et qui servait mieux l’histoire. Je pense qu’il y a quelque chose à creuser.

Est-ce que c’est généralisable comme pratique ?

Tout de façon c’est forcément élitiste. Même le projet au départ on voulait la participation la plus large possible mais au final, dès que vous réclamez un investissement chez les gens y a un tri qui se fait. A partir du moment où ils participent on va valoriser leur investissement et l’entretenir, l’encourager. De toute façon ça va être élitiste donc.

Ce besoin de participer il vient d’où?

Je pense que le projet a démontré qu’on avait des gens mariés, avec enfants, c’était pas des gens qui faisait ça par défaut parce qu’ils avaient que ça dans leur vie. C’est pas une action négative, par défaut c’est au contraire quelque chose de positif, on créé quelque chose de positif, un besoin positif on génère un univers dans lequel les gens ont envie de se plonger. On avait des gens de tout âge, c’était pas du tout une petite communauté de jeunes joueurs uniquement. Les gens ont un besoin. Maintenant, ils ont beaucoup envie de s’impliquer dans leur vie de quartier, les asso, l’entraide. Là y avait ce côté on recréé du lien social. Les joueurs au bout d’un moment se sont créé des groupes facebook pour partager. Ils se sont entraidés pour se maintenir dans le jeu. Cette création de lien social était intergénérationnelle et sur une plateforme web. Y a pas beaucoup de choses qui arrivent à rassembler des gens si différents aujourd’hui.

Qu’est ce que gagne les joueurs?

Le premier a gagné un stage, une formation au CEEA (formation audiovisuelle) dont la valeur est entre 3 000€ et 4 000€ sur le thème de comment passer du livre à  la série. C’est très axé scénario. Et les 100 premiers gagnaient une Go Pro, des goodies etc. C’était pour dire “Vous avez fait partie du projet Anarchy”.

Certains étaient intéressés uniquement par le classement et les récompenses

Je pense que c’est une question d’âge. Le classement est très important pour les joueurs joueurs mais vu que là on avait pas vraiment des joueurs ça a étendu le spectre. Pour la première fois certains ont eu l’impression d’avoir un impact sur leur vie, c’est terrible mais c’est vrai : y a une partie de la confiance dans les hommes et les femmes politiques qui s’est effondrée et ils n’ont pas l’impression d’avoir un impact sur la vie quotidienne. Et là c’était eux qui faisaient la vie du pays, c’était eux qui étaient aux commandes.

Ca c’est aussi l’histoire qui fait ça.

Le sujet était très concernant. Alors qu’il a un point de départ qui l’est pas spécialement : tout le monde s’intéresse à la question de l’euro et en même temps très peu de gens comprennenent les tenants et aboutissants. Et là, avec notre point de départ choc, il faut tout recréer derrière.

Qu’est ce qu’on réinvente, mais au final les gens ont voté pour un retour à l’euro à 1 sur 2. On s’attendait pas du tout à ça.

Adèle Ponticelli, journaliste & Alban Barthélémy, CM d’Anarchy

Quel était votre rôle exact dans la rédaction ?

Ecrire des articles, le live, gérer les contribution, les cadavres exquis,  les choisir et les élire. En plus, je m’occupais de la page du Monde qui était en partenariat avec Anarchy, je devais notamment choisir les diverses personnes interviewées. En fait, on avait une page dans le supplément économique du Monde avec une chronique de David Dufresne  qui résumait les dates importantes du site Anarchy mais la page disposait également d’un entretien avec un philosophe, sociologue, historien, économiste, etc pour tirer des problématique de ce qui se passait dans Anarchy. Comme un outil de bascule entre le monde virtuel et le monde réel. L’idée était donc de parler d’Anarchy, en disant ce qui se passe dedans mais que l’entretien éclaire autant le monde d’Anarchy que le monde d’aujourd’hui. Au final Anarchy c’est aussi montrer ce qui pourrait se passer après une grande crise.

Quel ressenti tirez vous de l’expérience Anarchy ?

J’ai trouvé que c’était une réussite car on a eu de la participation ce qui est difficile  a obtenir. Il y avait différentes méthodes de participation donc différents profils de joueur, de lecteur, d’internautes qui venaient et cela a permis d’avoir une participation diverse. Ce qui m’a plus d’autant plus  plu, est qu’il avait un travail vraiment porté sur l’écriture, on a vu des joueurs qui n’étaient pas la pour gagner mais vraiment pour écrire uniquement.

On a pu observer un engouement vif de la part des joueurs, pourquoi, selon vous ?

Il faut du temps pour rentrer dans l’univers d’Anarchy, le comprendre. On a orienté l’histoire, on a posé les bases et puis on a pu « lâcher du leste » et se servir des contributions pour que eux même écrivent l’histoire donc il y a un certain plaisir pour eux de voir que leur article influencent le déroulement. C’était vraiment une co-construction entre l’équipe de rédaction et les joueurs qui s’est surtout faite vers la fin

Avez-vous rencontré des obstacles particuliers ?

La masse de choses a lire surtout. Il était difficile de prêter attention a tout, des fois on peut passer a coter de certaines actualités importantes. Cela s’accentuait d’autant plus par le fait qu’on faisait un roulement de postes dans l’équipe (du live, au articles, etc.) donc la personne qui prenait le travail en cours pouvait rate quelque chose. Il y avait aussi des personnes qui écrivaient des scénarios contradictoire donc il fallait reprendre la tram de départ. Il y a un aspect crédibilité, qui prend toute son importance au niveau des « kill » c’est a dire quand un joueur tue le personnage d’un autre. Certain le faisait uniquement pour gagner des points et ça n’était plus cohérent avec l’histoire. L’une des chose qu’on a difficilement gérer est la mort d’un des personnage principale qu’on voulait garder jusqu’au bout, mais on a pas « attraper » le kill au bon moment et on a donc du récrire la suite et fin

Vous avez regardé la série ?

Juste le premier épisode, ca ne m’intéressait pas vraiment. J’ai été déçue du traitement de la participation des joueurs : pourquoi choisir leur personnage si c’est pour les tuer dans l’épisode d’après ? Le problème s’est posé au niveau du budget restreint, les cachets comédiens étaient réduits et donc une sorte de « roulement » des personnages s’imposait. La promesse n’a donc pas été tenu surtout au niveau des transmedias.

Les spécificités d’Anarchy je pense que ce qu’il y avait d’intéressant et de motivant pour les gens c’était une histoire qui touchait toute la France et donc mine de rien il y a souvent de choses dans les médias qui sont très Parisien parisien et là c’était une façon pour chacun d’écrire la grande histoire ou la petite histoire, c’est-à-dire si on a envie de faire vivre ses personnages dans son village on pouvait et ça je pense que c’est très gratifiant pour les gens

L’atrabilaire sur Twitter, 45 ans, chômeur

Je crois avoir entendu parler du projet chez Morandini sur Europe1, l’idée de départ,  la sortie de l’Euro qui mène à l’inconnu, m’a plu, sans savoir exactement à ce moment – là ce qu’on pourrait y faire.

J’ai regardé le 1er épisode sur France4 et écouté les explications des producteurs. À cet instant le projet m’a interpellé et dès le lendemain je me suis connecté sur le site. J’ai toujours aimé écrire,  et l’idée de pouvoir influencer le cours de l’histoire -et de l’Histoire- me plaisait beaucoup. Je suis chômeur depuis peu et j’ai donc un peu de temps libre; autant le mettre à profit.

Je n’ai su qu’au bout de quelques jours qu’il y avait des dotations. Si on lisait les conditions générales,  ça se saurait, hein!

Au début,  j’ai essayé de faire vivoter mon personnage, puis j’ai découvert le classement, et la grille d’attribution des points. L’appât du gain a fini par l’emporter. J’ai compris que créer de faux témoignages rapportait bien plus de points que créer l’histoire d’un personnage, sauf à espérer que ce dernier ne soit sélectionné. Dès lors mon objectif principal était de récupérer les 150 points offerts aux témoignages retenus par la rédaction.

Au final j’ai créé 4 personnages qui n’ont jamais eu de réelle envergure. J’ai dû créer en gros 1 texte par jour, pas toujours pour le même. Décrocher 1500 points en faisant un personnage qui soit repris dans la série, bien qu’objectif alléchant,  était en fait très aléatoire,  pendant que je montais certains jours jusqu’à 6 témoignages retenus, soit 900 points sans trop forcer l’imagination.  Peut-être est-ce là l’une des faiblesses du concept, trop de points pour alimenter le live, ce qui ne démontrait en aucun cas l’imagination du joueur. 10 points pour un texte avec son perso vs 150 pour un témoignage,  c’est déséquilibré. La fierté de voir mon personnage à l’écran ne m’a pas plus intéressé que ça. L’idée que je me faisais du concept au départ était de pouvoir participer à l’évolution de l’histoire, uniquement.

Concernant la série,  je l’ai trouvée très faible par rapport au projet, sans doute du fait de son éloignement des évènements développés sur le site au quotidien. On aurait pu s’en passer, je pense qu’elle n’a été qu’une vitrine .

J’avoue que donc le côté politique française m’a séduit au départ,  donc pas sûr que j’aurais été emballé par un autre contexte. D’ailleurs j’ai un peu lâché l’affaire les deux dernières semaines,  le côté chaos ne m’a pas emballé. Déjà la mort des 2 Présidents m’avait surpris négativement.

Je ne sais pas si ce système de fiction participative peut fonctionner. Des tests avaient déjà été faits par le passé, sans grand retentissement.  

Je n’ai pas collaboré avec d’autres joueurs.

Le problème majeur a été de devoir s’assurer du crédit de tous mes points; il y a eu quelques oublis,  mais le compte @anarchy_aide a toujours été très réactif.

Au final, j’ai passé un très bon moment. Je suis prêt à recommencer! Un seul bémol,  j’ai trouvé que ça avait peut-être duré une ou deux semaines de trop. Je trouve que l’histoire s’est embourbée dans l’anarchisme. À mon sens il n’y avait plus de lien avec la réalité.  De même les situations devenaient par trop fantasques,  par exemple G. Larcher cohabitant « joyeusement » avec La Crête.  J’aimais bien le principe de pouvoir imaginer une réalité parallèle impliquant des personnes de notre quotidien, en fait. Et parfois je me dis que la réalité actuelle s’inspire trop de ce que nous avons construit!

Me concernant, j’ai quitté mon emploi de responsable de magasin après une longue convalescence due à un burnout. Maintenant au chômage,  je suis sur la voie d’une reconversion vers les métiers de la formation pour adultes. Je suis un homme, divorcé, de 45 ans.

Antonin Lhotte, responsable des nouvelles écritures chez France 4

L’idée de départ c’est de créer une machine à écrire collective, c’est d’essayer de rendre possible le fait d’écrire ensemble. Le pari qui est fait, car c’est vraiment un pari, on ne sait pas du tout si ça peut être fait, on essaye d’écrire une histoire ensemble et cette histoire doit nous faire grandir dans l’idée qu’on regarde le monde et la société autour de nous, nos comportements les uns les autres et que cette écriture collective elle sert une intention presque sociale, de porter d’une autre manière une réflexion autour de la société. Ca c’est le socle.

En marge de ça il y a l’idée évidente que le web est non pas quelque chose qui est en aval d’un programme de TV au sens où tu fais un doc, une fiction sur une chaîne de TV et puis tu as quelque chose qui existe sur le web, une page de programme ou un jeu. L’idée c’est de prendre les choses dans l’autre sens c’est de dire que le moteur de la machine c’est le web et que c’est à partir du web qu’on développe l’histoire.

De ces deux évidences là naissent Anarchy qui s’appuie sur un « Il était une fois », sur un prétexte pour écrire ensemble. L’idée c’était de créer quelque chose qui secouait totalement les bases de la société et qui fait que ça excite l’imagination des gens pour créer du récit et la projection des gens dans cet univers.

L’idée c’est de créer un électrochoc au départ. Un électrochoc narratif avec une histoire qui impactante pour le plus de monde possible.