Comment pitcher un format?

Notre dossier sur les formats audiovisuels continue avec le décryptage du mot pitch. Issu de l’expression anglo-saxonne to pitch, les professionnels du marketing et de la vente se le sont réapproprié pour parler de pitcher, cet acte de synthétiser à l’essentiel une histoire s’il s’agit de fiction ou plus généralement un projet. Dans le cadre des formats audiovisuels, le pitch représente une étape particulière dans la chaîne de création d’un programme ainsi qu’un art de la présentation d’un projet. Les Effeuilleurs vous proposent de décrypter cet exercice.

La différence entre un pitch et un synopsis
Là où un pitch synthétise une œuvre de fiction en quelques phrases au maximum, le synopsis est plus long : il décrit non seulement l’histoire mais également les personnages, l’univers et les enjeux.

Le pitch à travers les yeux d’un producteur

Le pitch intervient entre deux phases de développement d’un programme télévisé. La première phase est celle de la création pure d’un format ou du repérage d’un format international. Cette première étape est celle de la fabrication au sens technique du terme : le programme doit être cohérent et logique pour tout le monde et surtout pour le diffuseur à qui le producteur le proposera. La mécanique du programme se doit d’être parfaite et fluide. Lorsque cette première partie du travail de développement s’achève, il est temps d’aller pitcher son projet de programme au diffuseur.

Les producteurs peuvent proposer deux types de projets aux chaînes : une création purement française ou une adaptation d’un format créé à l’étranger. Vous ne savez pas encore ce qu’est un format audiovisuel ? Allez vite découvrir notre Vestiaire des Effeuilleurs qui est consacré à cette expression.

Il s’agit dans un second temps de rencontrer un interlocuteur privilégié au sein d’une chaîne de télévision. Il est responsable de la programmation ou des programmes sur un type de contenu précis et dont il est spécialiste, c’est souvent le responsable d’une unité de programme : jeu, magazine, divertissement etc. Il a le droit de regard sur le contenu éditorial des programmes qu’il met à l’antenne. C’est donc devant lui que les membres de la société de production vont pitcher leur programme.

Le producteur arrive avec des documents pour présenter son programme :

Lors de la première étape du pitch, il faut « développer son accroche » : c’est la promesse du programme. Qu’apporte-t-il de nouveau pour un diffuseur qui voit défiler des dizaines voire centaines de propositions tous les ans ? Prenons l’exemple de Mariés au premier regard, le docu-téléréalité diffusé sur M6 en novembre 2016.

Adaptation française du format danois Gift ved første blik (titré Married at first sight à l’international), la promesse du programme était simple : la première émission de télévision française dans laquelle on va se marier sans jamais avoir rencontré son ou sa promise avant.

L’exercice du pitch est de mettre en valeur ce que le programme apporte en termes de nouveauté.

L’histoire en découle ensuite : il faut mettre l’emphase sur le storytelling. Quelle est l’histoire que va raconter cette nouvelle émission aux téléspectateurs du diffuseur. Si nous reprenons l’exemple de Mariés au premier regard, l’histoire est celle d’un homme et d’une femme qui n’arrivent pas à trouver l’amour et qui vont se rencontrer à la mairie pour la première fois et tenter de se découvrir et peut-être construire quelque chose à deux. Le diffuseur veut que la société de production vende son produit, le pitch est donc une démarche de séduction. Le verbatim utilisé ici n’est pas celui de la technique mais plutôt celui du marketing : on vend un packaging.

Vient ensuite la mécanique du programme. Le producteur présente un découpage de séquences, le diffuseur a besoin de comprendre comment est découpé le programme, saisir son rythme et son relief.  Il faut que la mécanique soit claire et logique pour le diffuseur. Pour qu’un projet soit vendable il faut qu’il soit compris avant tout.

Puis lui succède généralement une phase de questions et réponses sur le programme : si c’est un format étranger on échange sur les questions d’adaptation, si c’est une création, sur l’évolution de la création etc.

Le but du pitch est d’aider le diffuseur à se projeter et de le convaincre de la pertinence du programme pour sa chaîne en général et des besoins d’une case de programmation en particulier. Il est donc essentiel de bien répondre à un problème et ne pas présenter un projet sans connaître les réels besoins des diffuseurs. Le pitch est une véritable mise en scène d’un programme pour le vendre au mieux et mettre en valeur son potentiel. Il est essentiel de montrer que le projet est meilleur que celui qui aura été présenté avant et celui qui sera présenté après.


Les éléments qui donnent de la force à un pitch

Les diffuseurs répondent à des logiques d’audience et de satisfaction de leur public. Leur choix se porte sur des programmes dont ils sont certains du succès. Il existe donc des éléments qui peuvent rassurer les diffuseurs et que les producteurs peuvent présenter pour donner de la force à leurs projets.

Si le programme que le producteur est venu pitcher à la chaîne est un format étranger, il présentera tous les éléments qui permettent de mettre en valeur le succès dudit format. De bonnes audiences dans les pays où il a été diffusé, des renouvellements de saisons ou encore des achats du format dans d’autres pays : tous ces éléments sont révélateurs de la « bonne santé » du programme et rassurent le diffuseur qui souhaite acheter un programme qui sera assuré de performer sur ses antennes.

Il est possible de pitcher un programme en ayant en tête une incarnation qui donne du poids au projet. Avoir l’assurance qu’un animateur ou un réalisateur célèbre soit prêt à travailler sur le programme permet de brander l’émission, ce qui la rend plus forte éditorialement et plus facile à vendre. Prenons l’exemple de l’émission de survie A l’Etat sauvage présentée pour la première fois sur M6 en juin 2016. Adaptation du format américain Running Wild with Bear Grylls, des célébrités doivent se confronter à Dame Nature pendant une semaine, guidées par un expert de la survie en milieu hostile. Emission de survie typique, la présence de Michaël Youn ou encore Matt Pokora comme têtes d’affiches lui donne une toute autre résonance.

Le but du producteur est de donner un maximum d’éléments qui pourraient intéresser le diffuseur et lui permettre de proposer un programme qui plaît à son public.

Le développement du programme télévisé jusqu’à son arrivée sur les antennes
La dernière étape est une phase de ping pong après que le programme a été optionné par la chaîne. Elle a montré son intérêt pour le programme et souhaite travailler avec la société de production sur son développement : le diffuseur donne donc ses recommandations et ses demandes sur lesquelles vont travailler les producteurs qui vont revenir avec différentes propositions : on est passé de la simple fiche à un véritable dossier. Ces échanges ont lieux jusqu’à ce que le programme atteigne le stade de la validation et de la mise en production. Il sera ensuite programmé stratégiquement par le diffuseur et mis à l’antenne.
Le but d’un pitch est donc de vendre un programme télévisé à un diffuseur. Le temps qui lui est alloué est souvent très court : le diffuseur n’a que quelques minutes à consacrer aux producteurs venus présenter leurs projets. Il est donc essentiel qu’il puisse se projeter dans les 15 premières secondes du pitch. C’est donc un exercice de synthèse et de clarté. Comme le disait Nicolas Boileau, poète, écrivain et critique français, « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Si un programme télévisé est bien conçu, sa présentation sous forme de pitch sera fluide et potentiellement couronnée de succès. Il faut toutefois souligner que les succès sont peu nombreux : pour chaque projet retenu, des dizaines sont mis de côté.

Merci à Sophie Badie, chargée de création et développement chez Adventure Line Productions, pour son expertise.

Victoire Capitaine, Etudiante en Médias & Management 2016-2017