LA SURCONSOMMATION TELLE QUE LES MÉDIAS LA SAISISSENT

Quelles que soient les époques, la consommation apparaît comme une activité sociale ambivalente, entre deux pôles : d’une part accomplissement-assouvissement de besoins et désirs et d’autre part pouvoir de destruction

Engageant ressources, désirs, renoncements et arbitrages, marquée par les nécessités parfois de la restriction ou le caractère ostentatoire de son déploiement, par l’utilisation des ressources qu’elle mobilise, les désirs qu’elle suscite, la consommation est associée à des valeurs euphoriques comme dysphoriques. Elle se reconfigure par l’évolution des offres et des discours et notamment par l’intégration des critiques qui lui sont faites, les acteurs marchands étant toujours en quête d’adaptation pour optimiser le parcours social de leurs offres.

Entre encensement et critiques 

La consommation est depuis de nombreuses années, en particulier depuis les années 60, après l’euphorie de la reconstruction d’après-guerre et l’équipement massif des foyers, une activité à la fois fortement naturalisée, évoquée dans les médias comme un droit, une nécessité pour la survie économique collective, et parfois aussi un plaisir. La consommation fait l’objet de discours médiatiques et publicitaires euphoriques, d’annonce de fêtes commerciales saisonnières calées sur nos rituels sociaux (Noël, anniversaires…). Cette mise en visibilité ne saurait pour autant faire oublier les critiques dénonçant les méfaits de la surconsommation collective.

Les dérives de la consommation associées à celles du commerce ont depuis fort longtemps fait l’objet de commentaires pour leur incompatibilité avec les valeurs spirituelles la critique du veau d’or en est l’emblème. La consommation ostentatoire puis de masse ont été pointées du doigt au nom de l’inégalité, de la futilité, du risque de détournement des préoccupations politiques (on peut penser aux auteurs de l’école de Francfort), de la vacuité des acquisitions (cf. Les choses de Pérec), des conditions de production dégradées, des dérives du marketing qui l’accompagnent ou encore de son cortège d’effets délétères pour l’environnement. C’est au nom de ces derniers que la charge médiatique à l’encontre de la consommation est actuellement la plus vive, engageant tous les acteurs à un renouvellement des représentations et des pratiques.

Les discours médiatiques en témoignent, entre constat de l’urgence écologique et invitation à une consommation raisonnée, entre dénonciation de la surconsommation et éducation à une meilleure consommation. Malgré le consensus social quant à la modération et l’adaptation des acteurs et des consommateurs à de nouvelles manières de faire, l’ambivalence demeure et la consommation s’affiche comme une activité marquée par l’hétérogénéité des pratiques et des degrés de la prise de conscience de ses risques collectifs. Si les acteurs économiques et politiques ne sont pas unanimes et ont du mal à s’accorder sur des régulations massives, ils exposent bien souvent les consommateurs à la nécessité de faire eux-mêmes des arbitrages.

Le rôle des médias s’avère alors particulièrement important pour le partage collectif d’informations, d’exemples alternatifs, de conseils pratiques, de figures d’inspiration. Les articles de ce dossier en témoignent. Mentionnant gestes, pratiques alternatives, partage de discours didactiques, le dossier nous invite à interroger notre rapport à la consommation et à la surconsommation quand elles font l’objet de traitements médiatiques, déterminants pour forger représentations, croyances et pratiques.

Un dossier réalisé par des étudiant.e.s de L3 et M2 2020-2021

Le dossier qu’Effeuillage présente ici est l’aboutissement d’un projet pédagogique autour de cette thématique. Les étudiants en Licence 3 au CELSA dans le parcours Marque ont rédigé en ce début d’année 2021 une revue de presse sur la surconsommation, complétée par une veille sur les réseaux sociaux, ce qui leur a permis de se saisir d’une forme de médiatisation les intéressant particulièrement, et de la commenter. 

Le dossier est constitué de trois articles portant respectivement sur Marie Kondo, les influenceurs sur Instagram et enfin le traitement des médias classiques. Il a été enrichi d’une réflexion sur la médiatisation du réemploi, question travaillée autour du cas Vinted par une étudiante à l’occasion de son mémoire de Master 2 en Marque et stratégies de communication.

Faire prendre conscience, former, influencer : les médiatisations témoignent d’une entreprise informationnelle et éducative mais les modalisations de cette ambition au fil des formes médiatiques exposent aux risques de la culpabilisation, de l’idéalisation, des injonctions contradictoires. Les médiatisations, si elles constituent d’indéniables vecteurs de transformation, sont aussi représentatives des ambivalences de leur temps.

Caroline Marti, directrice du département Marque du CELSA, enseignante-chercheuse, laboratoire GRIPIC