Studio BAGEL à la fête du court-métrage

Lancé en novembre 2012 par Lorenzo Benedetti, Studio Bagel s’est d’emblée positionné comme une chaîne premium sur YouTube. Ses productions sont incarnées par des comédiens et humoristes populaires sur internet (Mister V, Jérôme Niel, Natoo,…), et comptent aujourd’hui parmi les références de l’humour sur internet en France. Ceux-ci sont passés au petit écran en 2013, lorsque Canal + a commencé à diffuser leurs sketches (Le Grand Journal et Le Before) avant de racheter 60% du capital de Studio Bagel l’année suivante. Lorenzo Benedetti était à la Fête du Court Métrage le 18 décembre, pour y donner une conférence sur la génèse et la position de Studio Bagel. Effeuillage y a assisté pour vous, en voici ici les extraits :

 Aujourd’hui, Studio Bagel a trois branches différentes : une boîte de production, une agence qui travaille avec des marques et ce qu’on appelle un « multi channel network » (« un réseau de chaînes »).
Studio Bagel n’avait au départ qu’une seule chaîne YouTube avant d’en créer plusieurs originales. On voulait soit qu’elles portent le projet d’un talent, soit qu’elles nous permettent de placer des talents selon nos envies. Les chaînes qui nous sont affiliées sont des chaînes dont on aimait bien l’esprit, et à qui on a proposé de nous rejoindre. On collabore maintenant avec tous ces talents pour développer de nouveaux projets. Ce réseau important nous permet de générer des revenus pour financer la production et le développement de contenus et formats plutôt web.
Nous sommes dans le groupe Canal depuis deux ans maintenant, et l’on se sert de toutes leurs chaînes comme d’un laboratoire à tester les formats.

RETOUR SUR LA CONFÉRENCE DU DIMANCHE 18 DÉCEMBRE 2016 AU CARREAU DU TEMPLE À PARIS

Studio Bagel et Canal +, une collaboration transmédiatique qui porte ses fruits
« Canal, c’est la chaîne des bonnes séries et du très bon cinéma. Nous sommes tous fans de cinéma à l’origine, et nous avons tous envie de faire des séries ambitieuses et des films. Dans le paysage audiovisuel, Canal + est le seul acteur qui nous donne autant d’accès (accès dans le sens « avant le prime-time » ? Ou accès comme accéder à ce monde-là ?) et de contact avec ce monde-là. Au début du Bagel, on a commencé par faire un format court qui s’appelle ‘Groom service’ et qui a bien marché. Ça nous a permis de connaître les équipes de la chaîne, dont la patronne des créations originales, et de bien échanger avec eux. On s’est rendu compte qu’on fonctionnait bien ensemble. […] Studio Canal nous a ensuite proposé un deal de développement : on pourra se servir de son réseau pour développer du long-métrage, et on aidera les équipes de Canal sur l’avancement des projets cinéma. »

 

La diversification des chaînes YouTube comme vecteur d’expansion

« Je parlais tout à l’heure de la diversification de nos chaînes : nous en avons d’ailleurs créé quatre cette année. Tout d’abord la création chaîne des « Nou », à laquelle Grégory Guillotin a beaucoup pris part. Il souhaitait renouveler le genre de la caméra cachée en lui dédiant une chaîne. On l’a lancée cette année et elle marche très bien, comptant déjà 500 000 abonnés. Les auteurs publient une vidéo par semaine quand ils sont en forme. En télévision, on nous impose des livraisons régulières avec des délais à respecter, et des grilles de programmation avec diffusions à heure fixe. L’avantage du digital, c’est la flexibilité du temps de travail : lorsqu’on n’est pas content du résultat, on peut se permettre de travailler un peu plus le montage et de décaler le lancement d’une semaine.

Ensuite, la chaîne « La Biscotte », animée par Kemar. Cela faisait un moment que nous voulions traiter le sport de manière humoristique ; nous avons donc inventé un nouveau JT décalé qui s’appelle « 46 000% sport », où l’on se moque entre autres des journalistes sportifs, de leurs éléments de langage ou encore de leurs sujets. Cette chaîne a commencé il y a quelques mois et compte déjà 100 000 abonnés.

« What The Fuck France » est un peu particulière, car elle présente un programme en anglais et sous-titré en français sur Canal, ce qui n’était pas évident à imposer. C’est l’humoriste Paul Taylor qui est à l’origine de ce programme. On l’a repéré lorsqu’il faisait des stand-up en anglais au Paname Café. Son concept est de reprendre les clichés sur les Français et d’en faire du bashing. Ce format-là fonctionne sur YouTube à l’étranger et nous avons été contactés par des diffuseurs en Angleterre et aux États-Unis pour adapter le format ou bien racheter les droits des épisodes déjà réalisés. C’est donc certainement un premier pas pour partir à l’international.

Un autre territoire qui nous plaît bien : le gaming. On n’avait pas envie de faire comme la chaîne « Let’s Play » où l’on voit deux youtubeurs s’affronter autour d’un jeu vidéo avec du placement de produit. On a donc utilisé l’univers du gaming et cette pop culture-là comme terreau pour trouver des idées pour plein de petits court-métrages. »

On a aussi signé d’autres chaînes cette année, comme « Yes Vous Aime ». Elle a été créée par des gens qui se sont rencontrés sur les bancs du Conservatoire National de Théâtre. Ils se sont dits il y a un peu plus d’un an qu’il n’y avait pas de raison que seuls les YouTubeurs pur jus fassent des sketches sur internet. Ils se sont mis à en faire aussi, dont les audiences sont bonnes et qu’on a trouvés très originaux. Ils apportent un esprit différent et quelque chose qu’on ne connaissait pas trop, à savoir : la qualité de jeu [rires]. »

On est très contents cette année d’avoir signé la chaîne « Barber Show », qui présente une émission de société qui se passe chez un coiffeur. C’était un projet initialement fait avec le site Konbini, mais qui malheureusement était un peu menacé dans son économie. On est venus secourir ce programme tels des chevaliers blanc, et on est très heureux d’en faire une saison complète. On prévoit aussi de décliner cette chaîne avec une version fille, avec un casting très intéressant composé uniquement de femmes qui n’ont pas leur langue dans leur poche, et qui aborderont des sujets fascinants. Le principe est le même que pour les « Recettes Pompettes » : renouveler le genre du magazine en donnant une voix différente.

 

« Les Recettes Pompettes » face au CSA
« Depuis ses débuts, Studio Bagel travaille avec Monsieur Poulpe. Quand il est parti du Grand Journal, on avait envie de continuer à travailler avec lui. On est tombés sur la vidéo de Xavier Dolan dans laquelle il participe à une émission québécoise, « Les Recettes Pompettes ». J’ai trouvé ça génial, donc j’ai contacté la production québécoise et on a pris les droits pour l’adapter avec Monsieur Poulpe. C’est une émission qui fait un peu polémique en ce moment […] car le CSA nous a donné une mise en garde et c’est la première fois qu’il régule une chaîne YouTube. […] Il y a un point juridique important sur lequel nous ne sommes pas d’accord et c’est pour cela que nous sommes en train d’étudier les recours. On ne fait pas cette émission pour créer une polémique ; toutes nos chaînes sont des investissements sur des talents, qui pour la plupart, nous font perdre de l’argent. Cette chaîne-là est complètement déficitaire, mais on le fait parce qu’on développe Monsieur Poulpe, qui est devenu le co-animateur d’Antoine de Caunes et qui a vu sa notoriété s’amplifier grâce à l’émission. On le fait aussi parce que cette émission est très travaillée : elle est écrite par des auteurs et montée avec beaucoup de graphisme. Pour vingt minutes de flux en plateau, il faut compter quatre jours de montage. Pour moi, c’est une émission avant tout créative et non pas polémique.

 

 

De YouTube à la télévision : un accroissement des possibles

« Après les chaînes YouTube, passons maintenant aux chaînes de télévision. Cette année, on reprend en Septembre 2017 « Le Tour du Bagel », avec seize épisodes de vingt minutes, d’abord diffusés en télévision puis rassemblés ensuite sur notre chaîne YouTube. Chaque épisode aborde une thématique et contient cinq sketches qui s’y rapportent. Je pense que ce concept nous permet d’explorer un très grand nombre de sujets. On peut donc se retrouver sur une île déserte dans un de nos épisodes, avec un tournage réalisé en Martinique, ce qui permet de découvrir un lieu dans une super ambiance. Partir à l’aventure en mélangeant le cinéma de genre et la comédie, c’est ce qui nous plaît. »
Le brand content et la stratégie de conseil : la diversification au service de la création

« On possède aussi une agence interne, qui est un des piliers de notre business model, et grâce auquel on peut financer tout le reste. Il arrive que des marques nous accompagnent et nous sollicitent pour travailler avec certains de nos talents. Nous nous plaçons alors comme intermédiaire entre les deux, pour travailler intelligemment avec chacun. Je dis « intelligemment », parce que le réflexe habituel des marques est de vouloir capter la notoriété de stars du web pour pousser leurs produits. Nous ne sommes pas dans cette logique-là, ce qui nous amène à refuser beaucoup de propositions. On fait notre choix en fonction des valeurs de la marque ; si elles nous conviennent, on va également les conseiller sur la stratégie digitale de leur campagne et conseiller le talent en parallèle. C’est très important pour nous de le protéger afin qu’il ne devienne pas un homme ou une femme-sandwich, tout en préservant ce que veut la marque. Généralement cela fonctionne assez bien, car on discute d’égal à égal : nous sommes une marque qui collabore avec une autre marque, qui ont toutes les deux une image à tenir. La preuve est que nous recevons des prix, comme les 3 lions gagnés à Cannes pour une campagne avec Transavia.

On nous contacte parfois uniquement pour faire un casting, mais parfois aussi pour accompagner la production depuis la reconnaissance stratégique jusqu’au tournage. Dans le dernier cas, on fait tout : la stratégie, le script, le casting et parfois même la diffusion. On conseille alors les marques sur la stratégie de diffusion sur nos réseaux ou sur ceux qu’on a dans notre agence interne. C’est ce qui leur plaît chez nous. »

 

Sacha Lebas & Sophie Minodier - Etudiants Médias & Management 2016 - 2017