Transmedia : « Si les chaînes de télévision ne se disent pas qu’il faut être là, elles sont mortes »

La sixième édition du festival I Love Transmedia s’est tenue du 5 au 8 octobre 2017 à La Gaîté Lyrique à Paris. L’équipe d’Effeuillage a pu échanger avec Jérémy Pouilloux, président du festival. Rencontre autour des grands chantiers numériques auxquels sont confrontés les médias, de la place de la réalité virtuelle et des nouvelles stratégies d’immersion.

Jérémy Pouilloux

Producteur associé de la Générale de Production, Jérémy Pouilloux produit des fictions, des documentaires, des magazines et des jeux vidéos. Par ailleurs, il assure de nombreuses formations sur l’écriture et la production auprès de formations initiales (Gobelins, SciencesPo, Celsa, Cnam/Enjmin, INA Sup…) et de formations continues (MediaFaculty, Dixit, SunnyLab). Il est le fondateur et président de TIU, organisateur de l’événement I LOVE TRANSMEDIA, et membre fondateur et secrétaire général de l’association PXN.

Pourquoi avoir créé I Love Transmedia ?

C’est un événement qui a été créé à l’origine pour essayer d’accompagner la transition numérique de l’industrie médiatique dans son ensemble, en particulier le secteur audiovisuel. En 2009-2010, les diffuseurs n’étaient pas du tout acculturés à ce type d’écriture et comprenaient très mal les projets. Ils n’avaient jamais fait l’expérience de l’immersion, des techniques d’interaction, de sollicitation du téléspectateur, de son rôle dans les univers créés, etc.

On s’est mis à se demander comment on pouvait produire des projets en nombre suffisant pour que ça fasse sens auprès de l’industrie, et que tout le monde y trouve son compte.

On a tissé des partenariats avec beaucoup d’écoles en misant sur le fait que les étudiants avaient du temps, de l’énergie et dans leur cursus l’obligation de mener des projets. Et nous, professionnels, on était prêts à mettre à disposition du temps et de la connaissance pour accompagner ces projets.

Est donc né TIU Lab qui est maintenant une partie de l’événement, mais qui était le moteur à l’origine. Au cours des années, on a constitué un festival complet avec des tables rondes, une réflexion sur l’industrie médiatique, toujours avec cette ambition d’accompagner la transition numérique.

I love transmedia

Chaque année, depuis 2012, le festival I love Transmedia est l’événement qui rassemble les passionnés d’audiovisuel, de jeux vidéo, de spectacle vivant et du web. Créé et piloté par Jérémy Pouilloux, son objectif est de faire découvrir la création numérique à tous par le biais d’un rendez-vous fédérateur. S’y mêlent expérimentations et débats autour des évolutions qui traversent les industries culturelles à l’heure du numérique. A titre d’exemple, l’édition 2017 de l’événement, organisé à la Gaîté Lyrique à Paris, permettait des rencontres entre professionnels et publics amateurs autour de thèmes comme le « transmedia d’accompagnement », « Été, le feuilleton BD sur Instagram » ou encore autour des nouvelles formes d’interactivité.

Cette nouvelle édition fait la part belle à la réalité virtuelle, pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix ?

La VR ici est une des formes de ce patrimoine de création innovante, c’est évidemment une forme qui aujourd’hui a plus de visibilité que d’autres. La réalité virtuelle hérite très profondément de tout le travail qui a été fait sur les écritures interactives. Tous les professionnels qui se sont intéressés à ce patrimoine ont vu apparaître un nouveau terrain de créativité, avant même de le voir comme un nouveau modèle économique parce que pour l’instant, ça n’est pas totalement assuré. C’est l’aboutissement de tout un fantasme d’immersion du public.

Il y a évidemment d’autres étapes à venir, avec les technologies optiques, avec l’olfactif… On peut rajouter des couches en termes d’immersion mais en tout cas, le fait de couvrir intégralement le champ visuel et de mobiliser le corps du spectateur pour toucher des choses dans cet univers virtuel, c’est un pas énorme dans l’immersion.

Est-ce qu’aujourd’hui la notion d’immersion est la clé pour un média, pour émerger ou surnager face au déficit d’attention ?

C’est plutôt le contraire ! Dans une économie surabondante en contenus, tout consiste à faire comme dans un supermarché, avoir des têtes de gondole, mettre en avant les produits, des choses faciles, et surtout ne pas complexifier les écritures !

Et en même temps je pense que la VR est vraiment une autre forme. C’est comme quand on dit « Est-ce que le cinéma a tué la littérature ? » : non, d’autres formes coexistent avec des publics qui s’y intéressent de temps en temps ou de manière fréquente.

Pour l’instant les marchés ne sont pas définis, est-ce que la fiction va réussir à émerger sur ce terrain-là où est-ce que ce sera l’industrie du jeu-vidéo qui s’y intéressera de manière plus importante ? Ou est-ce qu’au final personne n’aura envie de mettre des casques ? Pour l’instant rien n’est écrit, il y a une coexistence des formes, comme d’habitude.

Selon vous, quels sont les grands chantiers à venir pour les entreprises médiatiques ?

Si on prend l’industrie dans son ensemble, c’est évidemment le numérique. Les diffuseurs mettent beaucoup de temps à accepter cette transition nécessaire. La création de YouTube c’était en 2005, ça fait maintenant plus de 10 ans.

YouTube a pris une importance énorme en termes d’audience et ça n’est pas prêt de s’arrêter. Avec des coûts investis très faibles par rapport à l’audience, c’est tout à fait incomparable avec les coûts en matière de télévision ou de cinéma – dont le modèle mathématiquement, ne peut pas tenir. Si les chaînes de télévision ne se disent pas qu’il faut être là parce que ce sont les nouveaux usages, elles sont mortes !

C’est dramatique parce qu’elles ont un patrimoine, une puissance évocatrice très forte. C’est comme si elles l’ignoraient, comme si elles se disaient que leur cadre d’intervention est réduit à la télévision-objet-du-salon, et que faire voyager leurs marques sur d’autres plateformes serait quelque chose de problématique et/ou de trop coûteux.

Elles répondent par le replay, mais à mon sens c’est une grave erreur. Les chargés de programme de l’antenne achètent pour un public déterminé, qui est celui de la télévision. C’est un public âgé que visent les chargés de programmes, en termes de sujets, de manière de s’exprimer, de rapidité de la narration, de montage, etc. Si on avait une approche purement marketing on se dirait « Tu as acheté des programmes pour telle cible, tu ne vas pas les ressortir à telle autre ! ».

Aujourd’hui les budgets des diffuseurs publics sur le numérique sont très faibles, c’est moins de 1% du budget global d’achat de programmes originaux. C’est très préjudiciable, à la fois pour le public car il est en attente de contenus, mais aussi pour l’industrie qui n’arrive pas à faire cette transition numérique.

Jeanne Capeyron, Etudiante Médias et Management 2017-2018

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