Vanity Fair, le magazine français venu des Etats-Unis

Jeudi 20 Novembre 2014 , au Musée des Arts Décoratifs  à Paris, la conférence « Les Rendez-vous graphiques » était consacrée au magazine Vanity Fair. Yorgo Tloupas, Directeur Artistique du mensuel et Xavier Romatet, Président Directeur Général des éditions Condé Nast France, sont revenus sur la création du média, entre puissance inspiratrice de son origine américaine et façonnage typiquement français. La rédaction d’Effeuillage y était.

Le poids des savoir-faire graphiques dans la presse

L’une des forces éditoriales majeures du titre a toujours été son identité visuelle et donc graphique. Il aura fallu dix-huit mois de travail aux équipes pour s’approprier les codes graphiques du titre américain qui a fêté son centenaire en 2013. Les plages de couleur forte, la dominance du rouge, les effets de patchwork, la typographie et la « vague » Vanity Fair, les schémas et les illustrations, etc. : une multitude de « petits » détails qui font une des forces éditoriales du titre et placent le contenu au centre d’une mise en forme très codifiée. Les numéros américains, tous conservés dans une pièce secrète à Paris, ont beaucoup inspiré l’identité visuelle du Vanity Fair français et ont été l’objet d’une grande attention. C’est cette étude minutieuse qui aura permis d’inscrire le titre français dans la tradition et la filiation d’un magazine qui a largement fait ses preuves outre-Atlantique.

Cependant, le magazine a conservé quelques spécificités françaises. Jean-Baptiste Levée, typographe français [1]  a créé une typographie exclusive pour la version française, déclinée en trois variantes  : « vanité light », « vanité regular » et « vanité bold » . Et  Yorgo Tloupas a dessiné un poinçon Vanity Fair France. Des signatures discrètes, typiquement françaises.

Dix-huit mois de travail et quatre numéros zéro, une gestation inédite pour la presse française

Le projet Vanity Fair France se définit par sa longueur, une lente gestation exceptionnelle pour la presse magazine française. « Dix-huit mois, c’est bien trop long », se sont étonnés certains. Le signe d’un projet hésitant ? Selon Xavier Romatet, c’est surtout celui d’un lancement particulièrement minutieux parce que très attendu ; il fallait être « au niveau de la version américaine ».

Pour sortir le premier numéro en juin 2013, quatre numéros zéro auront été nécessaires. Soumis à des groupes-tests composés de lectrices, les trois premiers ont cherché à mettre l’accent sur la qualité du titre, entre reprise des codes américains et singularité française. Composés de photos et d’articles non destinés à la publication, leurs objectifs étaient de mettre en place les codes éditoriaux et graphiques du titre avec comme question centrale : « comment attirer les lecteurs ? » . Le premier objectif pour Xavier Romatet « n’était pas de leur faire aimer le titre mais de le leur faire connaître et reconnaître ». C’est lors du quatrième numéro zéro réalisé dans des conditions de publication réelles que Vanity Fair a pris des risques réels, avec cette fois une équipe rémunérée produisant de véritables articles et photographies, comme pour un « vrai-faux lancement ». Adoubé par plus de 80% de « green lights », sorte de taux de satisfaction des objectifs attribué par les lectrices, ce quatrième numéro zéro sera le dernier. Vanity Fair peut sortir dans les kiosques. C’est donc après un temps long de réflexion et de test que Vanity Fair a enfin été publié, un succès préparé et consolidé par une mûre réflexion.

 

Du magazine au média-marque[2] : Vanity Fair déploie ses ailes

Le premier numéro, accompagné d’une sur-couverture personnalisée, est envoyé à trois mille « happy few ». Ce cadeau événementialise la sortie du titre et dessine, déjà, une nouvelle ambition : faire du titre une marque forte. Depuis, nombre de partenariats ont été signés entre le titre et différentes marques. Très vite après son lancement, le titre se décline : cahier, bougie, foulard, clé USB, exemples parmi d’autres de quelques produits estampillés « Vanity Fair ». Tous ces dérivés tendent à ériger Vanity Fair au rang de média-marque à la française.

Le positionnement graphique, l’accueil favorable des lectrices et les stratégies de diversification confirment le succès éditorial et économique de Vanity Fair. Le dix-septième numéro, paru le 19 novembre 2014, a été tiré à cent mille exemplaires. « Le titre a connu très peu de changements depuis le premier numéro, c’est un signe de son succès » affirme Yorgo Tloupas. L’aventure Vanity Fair continue.

Agathe Morelli

[1] _ http://www.jblt.co/v2/en/jbl/page/projects/fashion-luxury-design/vanity-fair-France

[2] _ « Lorsque le média se diversifie à travers des produits dérivés (déclinaisons médiatiques et/ou objets « matériels » ou services) et lorsque le média communique sur lui-même. », définition de Jean-Maxence Granier et Valérie Patrin-Leclère en introduction au séminaire de l’IREP « médias-marques, jeux de frontières » (2010)