Les discours sur la crise des médias d’une part, sur les injonctions à innover d’autre part, mettent de côté un acteur pourtant important dans la filière audiovisuelle : le distributeur. A force de se focaliser sur les nouveaux usages, les nouvelles écritures, les nouveaux modèles économiques, ces nouveaux concurrents que sont les GAFAN, on risque d’en venir à oublier que le changement concerne également les professionnels de la distribution. Le métier change doublement, car il lui faut intégrer de nouvelles compétences et viser un marché mondial. La Chaire CELSA a produit une étude dont elle livre à Effeuillage des extraits.
En France, le métier de distributeur n’est défini que depuis 2016 dans un cadre législatif [encadré ci-contre]. Il reste méconnu, négligé, peu – insuffisamment – considéré. Généralement réduit au rôle d’ « intermédiaire », de « passeur », le distributeur est le maillon du secteur audiovisuel le plus discret de la chaîne médiatique. Pourtant, à l’heure de la transformation numérique et de la mondialisation de la circulation des œuvres issues des industries créatives, il prend une importance manifeste : Netflix et Amazon, distributeurs devenus producteurs de premier plan, jusqu’à être fréquemment considérés comme LES nouveaux acteurs mondial de la télévision, sont les symboles indiscutables du rôle éminemment stratégique qu’a acquis la distribution.
L’audiovisuel est une filière. Or une filière est « un espace d’interdépendance rassemblant des entreprises dont les conditions de production sont complémentaires et dont les performances sont en interaction »[1]. L’auteur de cette définition, Laurent Creton, chercheur spécialiste de l’économie des industries culturelles, montre combien il est important de comprendre quelles sont les conditions de cohérence entre les trois stades de la filière, la production, la distribution et l’exploitation. Le fonctionnement d’une filière a ceci de particulier que les performances de chacun sont nécessairement en interaction avec celles de tous les autres acteurs. Il apparaît donc aujourd’hui important, voire urgent, de se préoccuper de la situation de la distribution, car elle est soumise à des changements fondamentaux et que la compétitivité de l’audiovisuel français dépend pour partie de ses capacités d’adaptation et de sa performance.
C’est dans ce contexte que la Chaire CELSA et le Club Galilée ont conduit entre mi 2017 et début 2018 une étude sur le métier de distributeur audiovisuel pour le compte de la Commission Paritaire Nationale Emploi et Formation (CPNEF) de l’audiovisuel, étude qu’elle a commanditée dans le cadre de son Observatoire des Métiers.
Retour sur quelques-unes des analyses développées à cette occasion, sur 4 entretiens avec des experts et sur 1 article.
[1] CRETON, Laurent, Economie du cinéma, Paris : Armand Colin, 5eme édition, 2014, p.61
Etre distributeur selon la loi
En juillet 2016, la Loi n° 2016-925 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a proposé une définition précise du métier de distributeur : « Art. 43-1-1 : Le distributeur de programmes audiovisuels est la personne physique ou morale à laquelle un ou plusieurs détenteurs des droits desdits programmes confient le mandat d’en assurer la commercialisation » [1]. Cette reconnaissance juridique du métier et de sa fonction principale, saluée par les professionnels de la distribution, témoigne d’un processus global de structuration à l’œuvre dans cette filière de l’audiovisuel. Le secteur de la distribution est en phase d’ordonnancement en France : reconnaître le métier est un signe de prise de conscience de son importance. Les enjeux ne sont pas négligeables sur un marché audiovisuel devenu international.
[1] LOI n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine