Les médias, théâtre d’opération d’une guerre des mots
Mehdi Merabtène est diplômé du Master 1 Culture, Média de l’université Paris Nord (Paris 13). En septembre 2015, il a soutenu sous la direction de Sarah Labelle un passionnant mémoire consacré à la stratégie de communication de Daech (« Daech : une communication structurée pour un discours destructeur »). Dans cet article rédigé pour Effeuillage, il revient sur les conditions de production et de circulation de ce nom devenu tragiquement familier. Les mots ne sont bien évidemment pas les armes les plus dangereuses… mais il importe de se rappeler qu’ils sont tout de même des armes et qu’à ce titre ils ne sont pas inoffensifs.
La dénomination d’une organisation terroriste a pour vocation, à la manière d’une marque, d’agréger les valeurs et les représentations constitutives de l’identité de cette organisation. Dans le cas de Daech (ou « Etat islamique ») ici présenté, le nom a évolué au rythme des différentes étapes de développement de ce groupe djihadiste. Les traductions et les reprises de sa dénomination par les différents énonciateurs ont entraîné des glissements sémantiques qui ont eux-mêmes conduit à une controverse : doit-on appeler Daech « l’Etat islamique » ?
On pourrait m’objecter, particulièrement dans le contexte actuel, que ce ne sont que des mots. Je rétorquerais que les discours souvent précèdent des actes. Ainsi, Victor Klemperer, qui a étudié le pouvoir des mots sous le IIIème Reich, a notamment constaté que « si quelqu’un, au lieu d’« héroïque et vertueux », dit pendant assez longtemps ‘fanatique’, il finira par croire vraiment qu’un fanatique est un héros vertueux »[1]. Cet exemple extrême se reflète tout particulièrement aujourd’hui. Il nous aide à entrevoir l’étendue du problème communicationnel représenté par cette controverse du nom de Daech, au cœur d’importants enjeux politiques et sociaux.
Une dénomination aux enjeux géostratégiques
Entre 2006 et 2014, Daech passe par trois principales dénominations : d’abord « Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq », soit « l’Etat islamique d’Irak » (que j’abrègerai par « EII »), puis « Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa-š-Šhām » que nous traduirons par « l’Etat islamique en Irak et au Levant » (acronyme « EIIL »), enfin « Dawla al-Islāmiyya », soit « l’Etat islamique » tout court (acronyme « EI »). C’est à partir de la deuxième phase, celle de « l’Etat islamique en Irak et au Levant », que le problème de la désignation apparaît et qu’il s’amplifie, sous l’effet des multiples traductions et reprises dues à la médiatisation internationale de l’organisation.
À la mi-octobre 2006, considérant le gouvernement chiite mis en place par les Américains comme une force d’occupation, la branche irakienne d’Al-Qaïda et cinq autres factions djihadistes sunnites regroupées au sein du « Conseil consultatif des moudjahidines d’Irak » proclament l’ « Etat islamique d’Irak »[2] (EII). Cette auto-proclamation, ainsi que les deux suivantes, sont des revendications qui s’inscrivent en dehors des cadres institutionnels internationaux dont les valeurs et les compétences sont niées.
Entre avril et novembre 2013, l’ « EII », qui a profité de la guerre civile en Syrie voisine pour s’y étendre, en affrontant avec opportunisme tous les belligérants, rompt avec Al-Qaïda : l’« Etat islamique en Irak et au Levant» (EIIL) est né[3]. Cette dénomination (ou plus précisément celle de l’ « Etat islamique en Irak et au Sham » (EIIS)) a été préférée par la communication de l’organisation à l’« Etat islamique en Irak et en Syrie », en partie à cause des accords Sykes-Picot[4], la Syrie étant une création franco-britannique résultant du démantèlement de l’Empire ottoman. En outre, la région du « Levant » (ou Sham en arabe) englobe la Syrie, le Liban, la Jordanie, Israël, et la Palestine. Préférer le Sham à la Syrie, c’est donc, par le pouvoir des mots, se proclamer maître d’un plus grand domaine.
Le 29 juin 2014, quelques jours après la prise de Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak, le « Califat » est proclamé et l’organisation change une nouvelle fois de nom, devenant sobrement l’ « Etat islamique » (EI)[5]. Cet énoncé à visée performative[6] est un acte illocutoire, car il rétablit (aux yeux de ses sympathisants mais pas de la communauté internationale) un régime politique disparu depuis près d’un siècle. Il a également pour but de revendiquer un pouvoir d’autorité sur les musulmans du monde entier. C’est donc aussi un acte perlocutoire car cette proclamation entraîne une série d’allégeances. En effet, dans les mois qui suivent, des groupes djihadistes très actifs notamment au Nigeria, en Lybie, en Tunisie, en Egypte et au Yémen prêtent allégeance au « Calife » autoproclamé Abu Bakr al-Baghdadi, concrétisant une implantation intercontinentale.
Le changement de dénomination s’avère donc intimement lié aux expansions territoriales successives et aux velléités d’hégémonie mondiale de l’organisation. Dans le premier mouvement, ce sont les conquêtes qui induisent un changement de nom de l’organisation (de l’« EII » à l’« EIIL ») pour souligner et légitimer ces conquêtes. Dans le second, ce sont la proclamation du Califat et le choix du nom générique « Etat islamique » qui cristallisent les ambitions de ses dirigeants. Les deux dynamiques territoire/nom et nom/territoire se répondent et illustrent à quel point les actes de langage et le langage des actes peuvent être analogues.
Acronymes et traductions : plusieurs recettes pour une formule
La question des traductions du nom de l’organisation se pose sensiblement dès 2013 avec l’implantation de l’organisation en Syrie. En effet, afin de prendre l’avantage sur les factions rebelles concurrentes, Daech souhaite attirer la majeure partie des djihadistes étrangers (pas toujours arabophones) venus combattre le régime de Bachar al-Assad. C’est donc durant l’année 2013 et jusqu’au 29 juin 2014 que le cortège de traductions de l’appellation « Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa-š-Šhām » va être popularisé par les communicants du groupe djihadiste et relayé par les médias internationaux. La traduction anglaise officielle est « Islamic State of Iraq and as-Sham » (« ISIS »). Bien que Daech ne l’ait jamais utilisé dans sa communication officielle, l’acronyme « ISIS » a été employé par certains des sympathisants de l’organisation, notamment les responsables de l’attaque électronique de TV5 Monde[7].
Du côté des médias francophones, l’acronyme employé alors est l’« EIIL ». La dénomination que l’on rencontre, en concurrence avec celle de l’ « Etat islamique en Irak et au Levant », est l’ « Etat islamique en Irak et en Syrie » (« EIIS »). Dans les médias anglophones, on a trouvé un temps « Islamic State of Iraq and the Levant » (acronyme : « ISIL ») concurrencé par « Islamic State of Irak and Syria », lui-même supplanté par son acronyme « ISIS » qui est en même temps l’acronyme de « Islamic State of Irak and as-Sham ».
Cette dénomination « ISIS » a été largement adoptée par les médias anglophones. Elle a la particularité de renvoyer à deux réalités à la fois, le deuxième « S » signifiant soit « Syrie », soit « Sham ». Cette double signification confère un aspect polémique renvoyant à la notion de formule définie par Alice Krieg-Planque[8]. Ainsi, une formule comporte-t-elle quatre caractéristiques essentielles :
– le caractère polémique, c’est-à-dire l’instabilité du signifié (ici cachée derrière le deuxième « S », et surtout derrière le premier, « State » : cette organisation est-elle un Etat ?) ;
– le figement, en d’autres termes, la stabilité du signifiant est remarquable dans le cas de l’acronyme « ISIS », puisque c’est aujourd’hui encore la dénomination largement dominante dans les médias américains et britanniques, alors même que l’organisation a officiellement abandonné les mots correspondant aux deux dernières lettres « IS » depuis le 29 juin 2014 ;
– la dimension discursive, qui prend en compte la tension entre le texte et le contexte socio-historique : c’est bien l’usage social qui donne du sens à cet acronyme ;
– le statut de référent social, c’est-à-dire qu’il s’impose dans le débat public et devient incontournable : aujourd’hui dans les pays anglophones, le terme est devenu prépondérant dans les discussions sur le djihadisme et le terrorisme, par exemple.
Quant à l’acronyme « Daech » (orthographe francisée) ou « Daesh » (anglicisée) ou encore « Da’esh » ou parfois « Daiish » (pour coller au plus près de la prononciation arabe), il est l’équivalent de l’« EIIL » en arabe : « Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa-š-Šhām (الدولة الاسلامية في العراق والشام) ». Cet acronyme pose un problème de sens. En effet, parmi les populations arabophones du Proche-Orient, seuls les opposants à Daech appellent ce groupe ainsi. Comme le relève Pascal Riché dans Rue 89, « Daech » signifierait « piétiner, écraser » et les djihadistes auraient menacé de couper la langue de quiconque utiliserait le mot « Daech » qui serait signe de « défiance et d’irrespect »[9].
Depuis la proclamation du califat, les membres de ce groupe l’appellent soit « l’Etat islamique », soit « le Califat », soit tout simplement l’« Etat ». En arabe, c’est donc « Khilafah », « Dawla al-Islamiyya » ou simplement « Dawla » sans recours à l’acronyme péjoratif.
Les autorités et les médias opposés à l’idéologie et aux exactions de ce groupe djihadiste se sont donc retrouvés face à un dilemme : comment désigner cette organisation qui se revendique « l’Etat islamique », avec les enjeux géostratégiques que cette appellation entraîne, sans alimenter sa propagande ?
Une dénomination à revendication politique
Pour mesurer l’ampleur du problème, il faut se pencher sur la définition d’« Etat islamique ». Tout d’abord, le recours au substantif « Etat » renvoie à la conception partagée de l’autorité institutionnelle : elle définit un puissant instrument pour agir et elle permet une légitimité de ceux qui agissent en son sein. Ce nom est aussi révélateur de la stratégie territoriale des dirigeants de Daech, de leur volonté de prendre le contrôle d’une étendue géographique et de l’administrer de manière pérenne. En effet, Daech comporte quasiment tous les attributs d’un Etat : un territoire, une capitale (Raqqa), un drapeau, un chef et un gouvernement, des institutions publiques (une armée, un ministère de la propagande, un pouvoir judiciaire, une police, un système éducatif, des services hospitaliers,…). Il a le contrôle d’importantes ressources énergétiques, lève des impôts, frappe sa propre monnaie et profite d’une certaine autonomie financière.
L’attribut étatique le plus important et peut-être le plus problématique est celui de la reconnaissance internationale. Etant considéré comme une organisation terroriste par les Nations unies et par l’ensemble de la communauté internationale, Daech voit ses prétentions de statut étatique brisées par le droit international. Cependant, l’organisation terroriste bénéficie d’une certaine reconnaissance auprès des personnes qui décident d’adhérer à son projet ainsi qu’auprès des groupes djihadistes qui lui prêtent allégeance. Elle jouit par ailleurs d’une reconnaissance médiatique à chaque fois qu’un journaliste ou qu’un intervenant dit dans les médias : « l’Etat islamique ». Sans oublier que le fait que des pays déclarent la guerre à Daech comme on déclare la guerre à un Etat constitue un énoncé qui a pour effet perlocutoire de légitimer, dans une certaine mesure, ce groupe terroriste en tant qu’Etat.
Lorsque l’on se penche sur l’adjectif « islamique », il apparaît que cette organisation se réclame d’une légitimité qui ne lui est que très partiellement reconnue. En effet, le terme « islamique » est mobilisé pour revendiquer une certaine conception de la religion musulmane portée par le courant sunnite salafiste. Ce courant prône une application de la charia basée sur une interprétation très littérale des textes sacrés, et sa frange djihadiste appelle à prendre les armes pour imposer au monde cette idéologie. Le terme général « islamique » (par rapport à celui de « salafiste djihadiste » par exemple) est entendu du point de vue de la communication de Daech et l’on saisit l’intérêt stratégique de son emploi. Cependant, il s’avère dangereux de l’utiliser pour désigner cette organisation dans des sociétés peu familiarisées avec la notion d’islam, le risque de susciter des réactions islamophobes étant réel.
Un débat porté par des hommes politiques
Il y a donc de véritables enjeux dans la reprise de la dénomination de cette organisation par les autorités internationales. Ainsi on a pu voir de grands dirigeants occidentaux prendre clairement position sur la question, sans pour autant être experts en la matière. En effet, on mesure l’importance de cette question de la désignation de l’ « Etat islamique », qui déborde largement les sphères linguistiques, philosophiques et théologiques, à l’aune des enjeux politiques, diplomatiques et sociaux que la reconnaissance ou la reprise d’un simple nom entraînerait. Nous prendrons trois exemples pour l’illustrer.
Pour commencer, le Président des Etats-Unis, Barack Obama, s’est très tôt préoccupé de cette question de l’onomastique : « l’ISIL n’est pas islamique. Aucune religion ne cautionne le meurtre d’innocents et la majorité des victimes de l’ISIL sont des musulmans. Et l’EIIL n’est certainement pas un État. […] [C’] est une organisation terroriste, tout simplement »[10]. Puis le Premier Ministre britannique, David Cameron, s’est lui aussi penché sur ce problème dont les médias ont parfois mis trop de temps, selon lui, à prendre la mesure, comme le rapporte Le Monde : « j’aimerais que la BBC arrête de l’appeler « Etat islamique », car ce n’est pas un Etat islamique. Ce que c’est, c’est un effroyable régime barbare. C’est une perversion de l’Islam »[11].
Enfin, le Ministre français des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, conscient de ce problème sémantique, a décidé que la diplomatie française emploierait le terme connoté péjorativement « Daech » pour désigner cette organisation djihadiste, comme le font les ennemis arabophones de cette dernière. Il a donc tranché la question en résumant les enjeux de cette manière :
« Vous avez parlé d’un prétendu « État islamique » : permettez-moi de revenir, un instant seulement, sur cette expression. Le groupe terroriste dont il s’agit n’est pas un État. Il voudrait l’être, il ne l’est pas, et c’est lui faire un cadeau que l’appeler État. De la même façon, je recommande de ne pas utiliser l’expression État islamique, car cela occasionne une confusion entre l’islam, l’islamisme et les musulmans. Il s’agit de ce que les Arabes appellent « Daech » et que j’appellerai pour ma part les égorgeurs de Daech ! »[12].
S’adressant ici à un journaliste, Laurent Fabius le reprend sur l’emploi de la dénomination « Etat islamique » et lui rappelle, par l’adjectif qualificatif antéposé « prétendu », que cette formule n’est qu’une prétention, qu’un fantasme des dirigeants de cette organisation, car elle n’a aucune reconnaissance internationale officielle. « Il voudrait l’être » reprend cette idée de l’adjectif « prétendu ». Nous pouvons ensuite noter que la deuxième, la troisième et la quatrième phrase comportent une négation. « Le groupe terroriste dont il s’agit » pose le statut de cette entité comme une évidence (c’est un groupe terroriste), donc il « n’est pas un Etat ». Le Ministre s’oppose explicitement à cette aspiration par deux fois : il « n’est pas un Etat », « il ne l’est pas ». Monsieur Fabius explique que relayer la désignation choisie à dessein par le groupe terroriste serait « lui faire un cadeau » puisque ce dernier « le voudrait ». Laurent Fabius peut ensuite « recommande[r] » (rappelons qu’il s’adresse à un journaliste) « de ne pas utiliser l’expression « Etat islamique » ». Il poursuit en présentant une formule qu’il trouve convenable, empruntée à ses partenaires arabes : « Daech » et termine son intervention en proposant une expression qu’il endosse personnellement (à l’aide de la subordonnée relative « que j’appellerai pour ma part »), à savoir « les égorgeurs de Daech ».
Nous résumons ainsi la démarche du Ministre qui s’oppose tout d’abord à un élément de langage relayé tel quel par un journaliste. Il martèle en quoi cette désignation est illégitime en soulignant par deux fois sa négation du statut d’Etat et le but recherché par Daech. Il sépare les membres de l’organisation à la fois des musulmans et des Arabes. Il s’appuie ensuite sur ces derniers pour étayer son choix de la formule Daech. De l’agglomérat des valeurs d’unité, de stabilité, de grandeur, de piété, de sérénité et de culture qui peuvent être accolées aux idées d’Etat et d’islam, nous sommes passés en quelques coups de boutoir à un groupe terroriste, puis à des individus « égorgeurs » cruels et violents. Cette déconstruction, d’une idée d’institution rassembleuse et pérenne à une poignée de fous sanguinaires, s’avère assez efficace. En effet, si la greffe de la formule « Daech » dans l’espace public a été assez longue à prendre, nous remarquons qu’aujourd’hui, bien qu’elle soit toujours en concurrence avec d’autres formulations, elle tend à dominer les débats en France (un peu à la manière d’ISIS aux Etats-Unis et au Royaume-Uni).
Par ailleurs les médias français, sensibilisés à l’importance de cette problématique, ont décidé de ne plus écrire « l’Etat islamique », mais « Daech » (notamment dans Courrier international, s’alignant ainsi sur la position de la diplomatie française), ou « l’organisation Etat islamique » ou « le groupe Etat islamique » ou encore « le groupe djihadiste EI », par exemple chez l’Agence France Presse. Malgré tout, on trouve encore régulièrement, dans les médias occidentaux, des brèves parlant simplement de « l’EI » ou même, davantage à l’oral, des journalistes ou des intervenants variés disant littéralement « l’Etat islamique ».
Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, nous pouvons remarquer le duel d’occurrences entre les deux formules « Daech » et « l’Etat islamique ». Si la dénomination Daech semble dominer (une étude quantitative serait éclairante à ce sujet), « l’Etat islamique » apparaît fréquemment.
Parallèlement à cette controverse, le fait que le Président François Hollande (tout en faisant attention à ne jamais dire « l’Etat islamique » mais « Daech ») ait employé clairement et avec insistance le terme de « guerre », est paradoxalement très valorisant pour une organisation terroriste si soucieuse de son image et de sa force. En effet, un acte de langage tel que « la France est en guerre » réalisé par un Président de la République en activité fait office de déclaration de guerre. Par cette rhétorique guerrière (sans doute attendue par l’opinion publique), le Président reconnaît à Daech le statut d’adversaire d’envergure. En effet, l’ampleur et la violence des attentats perpétrés inscrivent cette organisation dans une terrible réalité qui ne peut plus être niée. Pourtant, les bombardements français contre Daech ont commencé en septembre 2014 en Irak et en septembre 2015 en Syrie, et auraient pu se poursuivre et s’intensifier sans avoir recours à cette rhétorique. Le fait de ne lui déclarer la guerre qu’après les attentats du 13 novembre revient à reconnaître que Daech, par ces attentats, gagne de précieux points de reconnaissance internationale. Ainsi voit-il paradoxalement et malgré le recours à de basses méthodes terroristes, son curseur se déplacer sensiblement de la sphère de groupe terroriste à celle de stature Étatique.
La bataille de l’onomastique est donc loin d’être terminée.
[1] KLEMPERER Victor, LTI, la langue du 3ème Reich, Pocket, 2002 (1975), p.40.
[2] OURDAN Rémy, « L’Etat islamique, un djihad enraciné », Le Monde, 3 octobre 2014 : http://www.lemonde.fr/international/article/2014/10/03/l-etat-islamique-un-djihad-enracine_4499977_3210.html et http://www.islamisme.wikibis.com/conseil_consultatif_des_moudjahidines_en_irak.php . Selon cette source, cette auto-proclamation correspondrait à un pacte réalisé le 12/10/2006 sur une vidéo que je n’ai pas été en mesure de me procurer : « Le pacte du Conseil consultatif des moudjahidines d’Irak », Intelprotec, 16 octobre 2006 : http://intelprotec.com/breve.php3?id_breve=37 .
[3] « Syrie : l’EIIL accusé de massacres », Le Monde, 13 janvier 2014 : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/01/13/syrie-l-eiil-accuse-de-massacres_4346784_3218.html et « Syrie : Al-Qaida appelle à la fin des combats entre rebelles », Le Monde, 23 janvier 2014 : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/01/23/syrie-al-qaida-appelle-a-la-fin-des-combats-entre-rebelles_4352813_3218.htm .
[4] « Accords Sykes-Picot (1916) », Encyclopédie Larousse : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/accord_Sykes-Picot/145649 .
[5] « L’Etat Islamique supprime de son nom « en Irak et au Châm » dans toutes les questions administratives (sic) et officielles et son nom devient « l’Etat Islamique » à partir de la date de cette déclaration. » AL-ADNANI Mohamed (porte-parole de l’organisation), Ceci est la promesse d’Allâh, traduction et retranscription écrite Al-Hayat, juillet 2014, p.5.
[6] Selon la théorie des actes de langage de J.L. Austin, un énoncé performatif est un message qui, par le fait même d’être produit, réalise ou entraîne une action. AUSTIN John Langshaw, Quand dire, c’est faire, Seuil, 1991 (1962).
[7] FREMONT Anne-Laure, « Piratage de TV5 Monde : mystère autour de l’identité du « CyberCaliphate » », Le Figaro, 9 avril 2015 : http://www.lefigaro.fr/international/2015/04/09/01003-20150409ARTFIG00424-piratage-de-tv5-monde-mystere-autour-de-l-identite-du-cybercaliphate.php .
[8] KRIEG-PLANQUE Alice, « Purification ethnique ». Une formule et son histoire. Paris : CNRS éditions, 2003, via MAYAFFRE Damon, « Alice Krieg-Planque. — La notion de « formule » en analyse du discours. Cadre théorique et méthodologique. Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2009, 145 pages. », Corpus [En ligne], 8 | 2009, mis en ligne le 01 juillet 2010, consulté le 19 novembre 2015 : http://corpus.revues.org/1775
[9] RICHE Pascal, « Etat islamique ou Daesh ? Au commencement de la guerre était le verbe », Rue89-Les blogs, 18 septembre 2014 : http://blogs.rue89.nouvelobs.com/les-mots-demons/2014/09/18/etat-islamique-vs-daesh-au-commencement-de-la-guerre-etait-le-verbe-233513.
[10] Source Ambassade américaine : http://iipdigital.usembassy.gov/st/french/texttrans/2014/09/20140911308085.html#axzz3hxngS5a3
[11] « Comment désigner l’Etat islamique ? », blog Big Browser dans Le Monde-Blogs, 30 juin 2015 : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/06/30/comment-designer-letat-islamique/ .
[12] SOUBROUILLARD Régis, « Fabius lance la guerre des mots », Marianne, 15 septembre 2014 : http://www.marianne.net/Fabius-lance-la-guerre-des-mots_a241436.html
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