Le nouveau public né d’Internet
Un public plus exigeant
L’arrivée d’Internet dans les années 2000 et sa démocratisation dans les usages de la population ont fait naître un nouveau public. Baptiste Lorber l’oppose au public de la télévision linéaire traditionnelle, « passif » et pour ainsi dire contraint de choisir ce qu’il regardera dans des grilles de programmes figées imposées par les chaînes.
Ce nouveau public, né avec Internet, dessine les modes de consommation de demain. C’est pourquoi il est si important et fait partie du cœur de stratégie de nombreux médias, qu’ils soient télévisuels ou numériques. Cette nouvelle audience est plus exigeante car elle peut aller chercher directement ce qu’elle a envie de visionner grâce à la pluralité des contenus proposés sur Internet. Plus besoin d’attendre de trouver un programme qui pourrait éventuellement nous plaire, explique Baptiste Lorber, Internet est le lieu de la niche par excellence.
Ce qui expliquerait pourquoi « les jeunes », cette cible mouvante et qui ne cesse de glisser entre les doigts des chaînes, sont en rupture avec le média télévision. Et il est important ici de souligner, comme le dit Gilles Freissinier, que c’est bien uniquement le medium télévision, le téléviseur en lui-même, que délaissent les jeunes. En effet, une grande partie des contenus consommés en ligne reste de la télévision. On pensera bien entendu à Netflix qui ne tue pas la télévision mais la fait simplement passer d’un écran à un autre. Cela fait également quelques années que la télévision n’est plus l’unique offre linéaire proposée sur les téléviseurs et qu’une pluralité d’offres y sont déclinées numériquement.
Aller chercher les jeunes là où ils sont
L’enjeu est donc d’aller chercher ce public cible là où il se trouve : sur Internet. Et plus précisément sur les réseaux sociaux. Séduits par leurs contenus propres, régis par des codes spécifiques que Baptiste Lorber rappelle : l’humour, l’absurde, qu’on appelle le « WTF » en reprenant cette expression qui manifeste une sidération amusée. Le choix de singer ses codes ou essayer de les transposer à la télévision linéaire se révélerait peu pertinent et au pire un vrai désastre. L’écriture y est trop spécifique pour pouvoir être transposée et l’originalité et l’authenticité du format se perdraient dans la réécriture nécessaire au format télévisuel.
Les jeunes se retrouvent donc majoritairement sur les réseaux sociaux. Ils vont y chercher le contenu spécifique (voire très spécifique) qui leur plaît vraiment et n’ont pas le temps pour la télévision linéaire. Mais comme le souligne Julien Pain : si le web n’a pas forcément sa place à la télé, les métiers de la télévision et la télévision en tant que contenu ont eux aussi leur place sur les réseaux sociaux, en compagnie des contenus pure web que proposent les Youtubeurs, pour ne citer qu’eux. Par exemple en produisant des contenus de fact checking journalistique à destination de plateformes comme Twitter pour guider et informer. C’est le but que s’est fixé France Info, la nouvelle chaine d’info de France Télévisions. Aller chercher ces jeunes sur Internet c’est aussi l’occasion de réécrire les contenus TV existants pour le web. L’exemple de Cash Investigation est probant : la découpe des investigations en segments facilement consommables pour Facebook a une portée non négligeable et touche ce jeune public qui délaisse l’émission sur France 2 le mardi soir.
Pour autant, il ne faut pas nier les différences d’écritures puisque comme le souligne Gilles Freissinier, pour produire de bons contenus, il faut les penser en fonction de leur medium. Penser la réception du programme dès sa conception. Il prend ainsi l’exemple du web documentaire Hors Jeu qui requiert l’utilisation des réseaux sociaux pour pouvoir visionner l’intégralité du documentaire.
Hors Jeu
Un documentaire en ligne à collectionner d’Arte sur le milieu du football, ses enjeux et ses dérives. Chaque carte à collectionner est une partie de l’enquête et révèle une vidéo inédite ou un document exclusif. Le dispositif complet ici.
C’est à ce moment-là de la discussion que Pauline Augrain se permet de revenir sur l’intitulé de la conférence : « la jeunesse ». Mais y a-t-il une jeunesse ? Selon elle, ce qu’on appellerait « jeunesse » désignerait plutôt des bouleversements d’usages qui touchent tout le monde et non pas que la jeunesse. Loin d’être confinés à un tranche d’âge, il s’agirait donc de changements structurels et intergénérationnels…