Lors de la discussion, et par l’intermédiaire de Margaux Missika, la question de la création d’un seul et grand acteur numérique français ou européen qui soit une plateforme de service public s’est posée.
Si le projet Franceinfo va dans ce sens en proposant un regroupement des offres numériques, il le fait uniquement autour de l’information. Elle remarque que, contrairement au reste des médias, il n’y a sur Internet que des entités commerciales, des sites à but lucratifs, et pas de vraie présence officielle du service public. Il faudrait donc un acteur global de service public. Et le fait que Youtube et les autres plateformes soient des organismes commerciaux déjà bien ancrés n’empêche pas le besoin d’un service public plus présent et moins marginal sur la toile. Il manque une pensée stratégique et surtout politique autour de cette question.
Car l’émergence de ce tout nouveau paysage médiatique est comparable à la croissance massive de la télé dans les années 80. Et ce nouveau paysage, comme à l’époque avec les lois Mitterand de 1981 à 1985 qui ont encouragé le développement de la télévision, a besoin d’aides de l’État pour être porté à maturité.
En effet, pour l’instant, le numérique reste, selon elle, au stade du bricolage, engoncé dans des modèles dépassés et plus adaptés aux nouveaux formats et nouvelles formes d’écritures. Le modèle de financement est spécialement le plus fragile. Si les acteurs n’ont pas la main sur les canaux de diffusion du web, les financiers n’ont pas de retour et sans circuits de financements structurés comme il en existe en télé, ils n’investiront pas. C’est pourquoi ce besoin d’impulsion politique revient régulièrement dans le débat.
Pauline Augrain confirme cette idée. Le CNC crée des aides mais elles restent marginales. Il faudrait, selon elle, réussir à taxer les hébergeurs et les éditeurs étrangers qui sont leaders sur la toile française. La SACD et la SACEM commencent à être rémunérer sur Youtube. On note donc une impulsion mais qui reste timide. Selon Margaux Missika, si la télévision a mis 30 à 40 ans avant de s’installer réellement avec des formats qui marchent, Internet, qui a plus ou moins 10 ans, a donc fini sa phase d’expérimentation et devrait tendre désormais vers une structuration plus solide pour devenir un média mature.
Baptiste Lorber ajoute qu’il existe un réel enjeu sur la toile française : les jeunes Français sont « ultra connectés » et les audiences d’un Norman ou d’un Cyprien sur Youtube sont bien plus importantes que leurs équivalents étrangers. Internet est un lieu de création avec moins de barrière à l’entrée et plus de liberté éditoriale. Et la présence du service public aurait son importance parce qu’elle permettrait de développer une diversité qui ne serait pas qu’une réponse à la demande. S’il reconnaît que France Télévisions fait preuve d’une réelle volonté de faire émerger des contenus web et qu’il existe chez Arte des projets numériques depuis quelques années, il manque cependant cruellement un budget à la création et au marketing.
Car Gilles Freissinier rappelle qu’il faut avoir la capacité de rendre visibles ses projets. Dans un contexte où l’individualisation de la consommation de contenus ne permet plus de s’adresser à une très large audience au même moment. Le travail de communication auprès de chaque cible est au cœur du problème. À repenser également selon lui, l’accompagnement de la distribution. Ce sont des techniques particulières qui demandent donc des métiers et des compétences spécifiques. Comment structurer cette nouvelle filière ? Comment pérenniser la présence du numérique en tant que grand acteur et producteur de contenus ?
Autant de pistes lancées par les invités du débat…
CNC
Etablissement public français dont les missions principales sont de réglementer, soutenir et promouvoir l’économie du cinéma en France et à l’étranger.
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SACEM
La Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique traite de tout ce qui concerne la déclaration, la protection et la gestion d’oeuvre musicale.
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SACD
La Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques a pour mission de protéger les droits des auteurs de fiction.