« Il faut 20 ans pour bâtir une réputation et cinq minutes pour l’anéantir. Si vous gardez çà à l’esprit, vous vous comportez différemment », Warren Buffett, homme d’affaires américain. Avec l’émergence et la croissance de la notion d’e-réputation, son propos connaît une résonance inédite.
QU’EST CE QUE L’E-REPUTATION DES MÉDIAS ?
L’e-réputation est l’image numérique d’un média. Elle se construit à partir d’un flot incessant d’informations diffusées sur le web, parmi lesquelles certaines échappent au média concerné, qui ne peut pas tout maîtriser. Œuvre de l’annonceur, ou du public, l’e-réputation se modèle à partir de tout ce qui circule en ligne : moteurs de recherche (référencement), réseaux sociaux (internes et externes aux médias), blogs, forums, influenceurs, plateformes d’échanges (Youtube, etc.) sont autant de vecteurs de réputation. Cette identité numérique peut orienter favorablement ou défavorablement une opinion. Et quand l’image est défavorable, elle est subie et non choisie.
L’E-RÉPUTATION : ENTRE SE FAIRE VALOIR ET AVOIR MAUVAISE PRESSE
Fondamentale, l’e-réputation est au centre des attentions. A l’ère de la diversification médiatique, de la multiplicité des lignes éditoriales et des diffusions numériques, les médias investissent davantage ce sujet stratégique. Au cœur d’une arène concurrentielle de plus en plus féroce, recruter et fidéliser un public est devenu un enjeu complexe mais majeur. Complexe, parce qu’Internet est un vecteur de réputation tout aussi intéressant que dangereux. Sa praticabilité est à double tranchant : les dispositifs qui valorisent un média sont les mêmes qui peuvent le faire chuter. De la multiplicité des origines de la réputation découle sa complexité. Entre image choisie et image subie, les médias doivent composer entre leurs propres plateformes (site Internet, blogs, réseaux sociaux…) et les sources extérieures de notoriété. Réactions en live (hashtag, tweets viraux…), reposts d’articles, commentaires, sont autant de sources de réputation sur lesquelles le média ne peut avoir totalement le contrôle. La circulation de l’information sur Internet est telle que tout contenu peut devenir viral, et influer sur la réputation d’un média. Ainsi, l’avènement des réseaux sociaux crée un flux beaucoup plus important de commentaires, et donc une régulation de plus en plus difficile.
COMMENT UN MÉDIA PEUT-IL MAÎTRISER SON E-RÉPUTATION ?
Bien gérer son e-réputation commence par soigner l’image produite sur Internet. Les informations et les contenus publiés doivent coïncider avec la représentation du média, mais aussi le valoriser. La réputation du dirigeant et des figures représentant le média, doit être contrôlée. Pour ce faire, le média s’assure d’avoir un bon référencement. Il procède également à une veille régulière afin de se tenir informé rapidement de son actualité sur Internet, et pouvoir réagir en conséquence. Il est d’autant plus important de maîtriser son contenu sur la toile que le droit à l’oubli n’existe pas, ou plus. En effet, la surcharge informationnelle des réseaux, et des plateformes numériques, contribue à conserver des traces sur le temps long. Depuis 2014, il est cependant possible de faire valoir son droit au déréférencement[1].
ZOOM SUR LES ÉMISSIONS DANSE AVEC LES STARS ET THE VOICE
Depuis sa naissance en 1974, TF1 est sans cesse à la recherche d’innovations pour répondre à la fragmentation des écrans, des pratiques et des attentes. En 2016, le groupe accélère sa transformation avec une stratégie de diversification de ses activités, en 3 pôles : Digital, Production et Broadcast [2]. Face à l’essor du numérique, la Une soigne sa e-réputation
Une image réfléchie et choisie, au regard des stratégies d’influence
Les référencements des émissions Danse avec les stars et The Voice sont particulièrement efficaces et aident la construction d’une e-reputation. En effet, grâce au Search Engine Optimisation, l’émission crée sa visibilité, contrôle et soigne son image. Lors d’une recherche Internet, la stratégie de référencement repose sur plusieurs mots clés et consiste à maîtriser la position des pages d’un site au regard des pages de résultat. Cela permet de faire apparaître dans les premiers résultats des contenus valorisants et sélectionnés par l’émission, tandis que les contenus plus compromettants sont renvoyés dans les pages suivantes. Ainsi, une plus grande visibilité est accordée aux informations jugées positives pour l’image du média, au détriment d’autres informations, dont les sources et/ou les propos sont considérées comme dommageables. Le référencement est un outil de contrôle efficace, mais onéreux. Les productions apprécient d’autant plus les stratégies d’influence qu’elles sont un moyen de pouvoir et d’action. Il n’est pas rare de retrouver dans leurs castings des célébrités ou des influenceurs très appréciés sur les réseaux sociaux, à l’instar du Youtubeur Michou, participant à la dernière saison de Danse avec les Stars, ou encore l’influenceuse Ogee dans « l’édition All Stars » de The Voice. Cela favorise le renforcement de leur notoriété sur la toile et permet un contrôle des contenus associés à l’émission. Les deux émissions optent pour une stratégie de contenus axée sur les réseaux sociaux afin de créer leur communauté et de contrôler leur image.
L’image « subie » par l’impact des internautes et les acteurs sociaux
Des acteurs variés interviennent dans la construction ou l’altération d’une e-réputation. Avec un tweet, l’internaute peut créer un engouement ou une polémique en quelques secondes. Dans le cas de The Voice, la production a été confrontée, plusieurs fois, à des révélations soutenues par des internautes, et aux conséquences significatives. En 2018, Menel Ibtissem a décidé de quitter l’émission après la découverte de tweets polémiques et complotistes concernant les attentats de Nice sur son compte Facebook[3]. Cet événement s’est également répété en 2021, avec le candidat « The Vivi » qui, lui, a été exclu définitivement après la découverte de tweets homophobes, racistes et sexistes sur ses réseaux sociaux [4].
Les acteurs publics peuvent également compromettre l’e-réputation d’un média. En 2019, l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) a reproché à Danse avec les stars de « stigmatiser les personnes souffrant de troubles psychiques » en visant une danse, interprétée par Fauve Hautot et Sami El Gueddari, dans le décor d’un asile psychiatrique. L’association avait appelé TF1 à faire preuve de vigilance et à faire des excuses publiques. Cependant la production n’a jamais publié de regrets sur ses réseaux sociaux.
A la mesure de nos observations, il apparaît qu’au sein d’un même média, les stratégies d’e-réputation peuvent être différentes mais répondent à une volonté de maîtrise commune. Face à des « bad buzz » ou des accusations, la production de The Voice agit publiquement, tandis que celle de Danse avec les Stars n’intervient pas sur ses réseaux. Bien que d’une émission à l’autre les stratégies divergent, chacune, à sa manière, parvient à concilier référencement et influence.
[1] CJUE, arrêt du 13 mai 2014, www.cnil.fr
[3] https://www.rtl.fr/culture/medias-people/the-voice-tf1-mennel-a-abandonne-l-emission-7792194299
[4] MELTY, « Sébastien J., The Voice 2021 : The Vivi en pleine polémique sur Twitter à cause de messages racistes et homophobes, la production prend une grande décision », 22 février 2021, www.melty.fr