Une même passion pour la photographie, l’art et l’actualité réunit la famille Genestar autour du projet Polka en 2007. « Parce que les photographes ont besoin d’espace », dit Alain Genestar, ancien directeur de Paris Match, Polka leur offre trois supports : une galerie, un magazine et un site internet.
Une stratégie transmédia…
Polka s’est construit autour de trois médias. La galerie est le premier projet à voir le jour, en 2007 dans le 3ème arrondissement parisien. Elle est un espace qui propose aux visiteurs une exposition d’œuvres photographiques. Le magazine bimestriel, qui a été créé un an plus tard, n’est pas un consumer magazine* de la galerie. Il est distribué en kiosque et propose des sujets d’investigation, des reportages fouillés, basés sur un reportage photo de qualité. Le photoreportage en est donc le sujet central, il est le prétexte pour développer le contenu rédactionnel. Enfin sur internet, Polka propose des contenus enrichis par rapport aux autres supports, sous la forme de deux sites: polkagalerie et polkamagazine. Ce dernier est considéré comme le site principal de Polka.
D’après le transmédia lab, un « catalyseur de projet » édité par Orange, le transmédia consiste à développer un contenu narratif sur plusieurs médias en différenciant le contenu développé et les capacités d’interaction en fonction des spécificités de chaque média. A la différence du crossmédia ou du plurimédia qui décline un contenu principal sur des supports complémentaires, le transmédia exige un récit spécifique sur chaque plateforme et donne la possibilité au public d’utiliser différents points d’entrée dans l’histoire.
Polka se donne à voir sous différentes formes. Chacune possède ses spécificités. Par exemple, on retrouve des reportages longs dans le magazine, mais des vidéos explicatives sur le site. La galerie présente des impressions de haute qualité. Le public a plusieurs choix dans la façon d’aborder Polka. De nombreux renvois sont faits entre les supports, comme des rebondissements permanents pour compléter l’expérience : l’édito du magazine est repris sous forme de vidéo sur le site par exemple. De plus le lecteur est invité de façon récurrente à se rendre à la galerie. Il existe une sorte de « circuit Polka », qui tente d’être complet, et engageant auprès du public. Plus le lecteur a de possibilités, plus il est susceptible de s’impliquer.
…qui sert une logique marketing
Polka est un acteur qui a su tirer parti de son activité avec un chiffre d’affaire d’1 million d’euros par an, la moitié étant due au magazine, l’autre à la galerie, avec les ventes mais également grâce aux accords passés avec les Sofitel américains et européens qui exposent les œuvres. Polka a ainsi atteint son équilibre budgétaire depuis 2009.
La stratégie transmédia sert une logique marketing, visant une multiplication de l’audience. La galerie se destine à un public large, désireux de découvrir le travail des photographes. Elle a également pour cible des amateurs d’art plus avertis, des collectionneurs, puisqu’elle est aussi un lieu de vente des œuvres.
Alain Genestar définit la cible du magazine comme étant ceux «qui veulent voir et savoir». Aux photos s’ajoutent des textes d’envoyés spéciaux ou bien des articles de grandes signatures. Selon lui, le magazine touche tout particulièrement les jeunes car ils sont «habitué[s] à décrypter les images, ils sont nés dans la civilisation de l’image».
Le site et les extensions à venir de Polka dans le numérique répondent également à un public qui peut être différent, plus jeune et habitué au digital. On trouve une rubrique «proposez un sujet» dans la maquette du site, qui est une invitation à la participation du plus grand nombre. De plus, la présence forte sur les réseaux sociaux de Polka dénote son désir de rapprochement et de dialogue avec les amateurs de photographie. Mais cela n’est qu’un premier pas vers un site interactif plus vaste qui devrait voir le jour dans peu de temps : PolkaLive. Ce projet est décrit comme « un site d’envergure, fédérateur et innovateur ».
Le renouveau du photojournalisme
Le projet Polka soutient le photojournalisme depuis ses débuts, et veut créer un nouveau modèle pérenne pour accueillir cette pratique ancienne. Nous avons vu que cette plurimédialité produit plusieurs discours autour du photojournalisme, donc une démarche transmédia. Ces supports différents vont eux–mêmes créer plusieurs contenus autour de cette discipline.
Le photojournalisme est un métier ou une technique journalistique qui consiste à fournir aux journaux des reportages photographiques, selon la définition du Larousse. A cette définition s’ajoutent souvent plusieurs notions comme celle de la capture du réel, celle du contexte, mais aussi de l’honnêteté et de l’esthétisme. Une première remarque que l’on peut faire est que les reportages photographiques présentés dans Polka n’ont pas été réalisés uniquement dans le but d’être publiés dans le magazine. Au contraire, Polka invite les photographes à venir exposer des reportages déjà existants. On peut alors s’interroger sur les critères de sélection de ces reportages. La périodicité du magazine, bimestriel, ne participe pas à une visée d’illustration de l’actualité chaude. Il apparaît assez clairement que les choix se fondent avant tout sur des critères esthétiques, et la maquette du numéro analysé (n°15) nous invite à le penser : « Polka, magazine de photojournalisme esthétique ». Cependant, en regardant la couverture de ce même numéro, il nous apparaît très clairement à travers les mots choisis et la mise en page que l’indignation, l’expression d’opinion sont des lignes conductrices du magazine.
Sur internet
Sur le site internet, nous pouvons accéder aux contenus du magazine mais aussi à des données multimédias qui viennent compléter notre lecture du magazine ; ou à l’inverse le site internet nous invite à approfondir les données en allant les rechercher dans le magazine. Ainsi la photo se double de vidéos, d’un arrière plan, de portfolio et de coulisses qui participent à un regain de vitalité de la profession. En effet une des positions tenues par certains dans le débat sur l’avenir du photojournalisme est qu’Internet serait peut–être la future tribune de la discipline, alors que le média a participé à sa défaite. Polka permet un véritable approfondissement du photojournalisme, ou du moins des photographes présentés. Au–delà du texte, c’est de la vidéo que l’on ajoute aux photos afin de leur donner encore plus de sens.
Par la galerie
Mais la dimension la plus originale que nous offre Polka en terme de contenu, c’est sa galerie. Plus que du papier glacé, que des pages html et du streaming, Polka invite les lecteurs et internautes à se rendre à la galerie, présentant certains photojournalistes à la une du magazine,
En décloisonnant les espaces de la photographie, Polka propose un photojournalisme à retardement doublé d’un fort esthétisme. La photographie devient prétexte à l’information et non plus simple illustration. La marque invite photographes, reporters, mais aussi le public à entrer dans une nouvelle pratique médiatique.
Si le projet Polka ne fait pas véritablement rupture, puisqu’il ne propose ni une nouvelle forme médiatique ni un contenu nouveau, il n’en reste pas moins innovant. Effectivement, sa transmédialité lui permet d’être un nouveau support pour un contenu en difficulté, tout en proposant un modèle économique qui semble viable.