Vue de la chine, la liberté des médias français : indépendance ou illusion ?

Yuqing CHEN, étudiante en C3M, promotion 2013-2014, nous livre ses vues d’étudiante chinoise en journalisme sur les médias français et leurs fonctionnements

Photographie extraite du Petit Journal du 29/04/2013 diffusé sur Canal +

J’ai beaucoup écouté les discours portant sur la liberté des médias en France. Mais les médias possèdent-ils réellement cette indépendance ou bien sont-ils en réalité contraints par leurs « cadres »?

Nihao, bienvenu en Chine

En avril 2013, François Hollande a effectué sa première visite officielle en Chine en tant que Président de la République française. Par la suite, une vidéo est devenue populaire sur les réseaux sociaux chinois. Il s’agissait d’un extrait du « Petit Journal », diffusé sur Canal+[1]. Certains de mes amis l’ont partagée sur Weibo, le twitter chinois, en y adjoignant la remarque suivante : Regardez, les Français sont méchants!

Dans cette vidéo, ces « méchants » Français ne s’intéressent qu’à un aspect négatif de la Chine. Devant un bar de Pékin, un jeune Chinois descend d’une Porsche. Se prétendant étudiant non salarié, il est pourtant propriétaire de cette voiture de sport. Puis le reportage se poursuit en banlieue où des ouvriers mal habillés au volant d’un tracteur passent lentement devant la caméra. Ensuite, sur la place Tiananmen, un journaliste teste les réactions des Chinois en leur montrant deux pancartes différentes : sur l’une était écrit « Ni Hao » (Bonjour), et sur l’autre « Que c’est-il passé ici le 4 juin 1989 ? ». Les Chinois chaleureux à la lecture de la première pancarte sont alors devenus circonspects vis-à-vis de la seconde. Presque tous les interviewés ont refusé de répondre à la question « sensible ».

Les écarts grandissants entre les riches et les pauvres, la peur et l’obéissance des Chinois face à un gouvernement autoritaire, l’absence de démocratie et la privation des libertés. Nihao, voici la Chine.

Les téléspectateurs français, à la vue de ce sujet, conserveront donc une image plutôt négative de la Chine, tandis que les internautes chinois considéreront ces critiques comme de l’hostilité de la part du peuple français. Le malentendu a émergé dans cette communication.

Chacun sa vérité

Le Petit Journal n’entend pas expliquer les raisons et le contexte culturel permettant de comprendre les problèmes de la Chine. Il se contente de montrer des Chinois comme des gens peureux sans en expliquer les fondements. Pour le public chinois, cette ligne éditoriale laisse circonspect. Les internautes chinois perçoivent Le Petit Journal comme le porte-parole de la France, car en Chine, les médias représentent « la bouche et la langue de l’Etat ». Suivant cette logique, le Petit Journal représenterait ce que pensent ses citoyens. Les français seraient-ils donc méchants ?

Extrait du petit journal du 29/04/2013 diffusé sur Canal +

Observant la réactions des Chinois face à la vidéo, je me suis demandée quel rôle jouent réellement les médias. Et quel est exactement le sens de leur métier? Quand j’étais étudiante en journalisme en Chine, je croyais que les médias devaient dire la vérité et informer la population en tentant de viser un idéal d’impartialité. Mais j’ai compris au fil de mes études que cette vérité tant recherchée ne vaut que parce qu’elle est socialement construite. L’être humain reçoit l’information et la traite à travers sa propre perception. Les médias agissent ainsi comme s’ils brisaient les cadres de l’information, alors qu’ils participent à la construction et l’imposition des représentations dans la société.

De Pékin à Paris : tous cadrés ?

Les médias chinois jouent le rôle de la bouche du gouvernement et sont donc limités par cette identité politique. Les médias français, notamment les médias privés, possèdent heureusement plus de liberté par rapport à leurs homologues chinois. Pourtant, derrière cette apparence de liberté sans entraves, se trouvent l’intérêt des annonceurs et la position politique des grands groupes dont ils dépendent. Les médias ne sont jamais vraiment libres. Ils sont des outils, qui ne brisent pas les cadres, mais les respectent, les construisent et les renforcent.

Que sont les médias? Quel rôle devraient-il jouer ? Il est toujours compliqué de répondre à de pareilles questions. Influencés par la politique, l’économie et la culture, les médias sont aussi à considérer, de mon point de vue, comme des outils qui ne peuvent échapper à leur cadre. Personne ne peut leur demander d’être véritablement objectifs. C’est peut-être à nous, récepteurs, de garder un jugement rationnel.

Du 25 au 27 mars 2014, Xi Jin Ping, le Président chinois, s’est rendu en France. Tous les médias chinois présentaient cette visite comme le réveil de la grande Chine, tandis que sur Le Monde, un article faisait état du fait que « certaines stations de métro étaient fermées pour accueillir le Président de la Chine »[2]. Comme à son habitude, le  Petit Journal  s’est moqué de la visite de Monsieur Xi  [3] . Ce qui ne m’empêche pas d’être une grande fan du Petit Journal.