La Coupe du monde… et du second écran

Qu’on aime ou pas le football, difficile de passer à côté de la Coupe du monde FIFA 2014. Entre les annonceurs qui rythment leurs publicités d’airs de sambas et d’accents brésiliens et les chaînes de télévision qui multiplient les éditions spéciales autour de cet événement planétaire (même quand elles ne diffusent pas les rencontres), la plus prestigieuse des compétitions de football est sur toutes les lèvres, et sur tous les écrans.

Justement, les écrans, parlons-en.

Pour un écosystème émergent comme celui du second écran, la Coupe du monde constitue un événement à ne pas rater pour gagner en crédibilité. Le réseau social Twitter, qui se montre de plus en plus offensif vis-à-vis de l’univers de la télévision[1], a évidemment proposé à ses utilisateurs de vivre au rythme de la Coupe du monde. Après avoir choisi son équipe favorite, l’utilisateur se voit par exemple proposer plusieurs « photos de profil » adaptées à l’événement et aux couleurs de son pays. Il peut ensuite s’abonner au flux d’une équipe ou d’un joueur, ou encore suivre un flux dédié à un match particulier. Jusqu’ici, rien d’inhabituel pour les utilisateurs du réseau social, juste un habillage spécifique.

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En revanche, l’innovation majeure pour cette « Coupe du monde du second écran » est portée par TF1. La chaîne assure, certes, un important community management (via différents mots-clés sur les réseaux sociaux : #BleuConfidentiel pour les contenus exclusifs sur l’Equipe de France, #Horsjeu pour des contenus décalés et insolites sur la Coupe du monde, etc.), mais ne s’en contente pas. Elle va plus loin et donne du sens au second écran en faisant de lui un véritable privilège.

D’abord, via l’application « MyTF1 » et sa rubrique « Connect », les téléspectateurs ont accès à l’avant-match (arrivée des équipes, vestiaires, échauffements) et l’après-match (conférences de presse par exemple) : autrement dit, ils ont accès sur leur second écran à tout ce qui n’est pas diffusé via le flux « principal » de la télévision, et ce, jusqu’à deux heures avant le début de la rencontre.

Mais surtout, là où la promesse de TF1 est forte, c’est quand la chaîne propose à l’internaute de choisir parmi plusieurs angles de caméras pour regarder une même action. Dès l’échauffement des joueurs, celui-ci a par exemple le choix entre trois angles de vue différents : une vue d’ensemble ou un focus sur l’une des deux équipes. Et pendant la rencontre, les téléspectateurs peuvent suivre le match sur leur second écran en choisissant de recevoir soit le flux « classique » proposé par le réalisateur, soit le signal d’une des 5 caméras spécifiquement installées pour le second écran : une vue aérienne pour vérifier le placement tactique des joueurs, une de l’entraîneur de l’équipe A, une de l’entraîneur de l’équipe B, une du joueur phare de l’équipe A et une du joueur phare de l’équipe B. Enfin, à l’instar de ce que propose Canal+ dans sa « Canal Football App » (également déclinée en version rugby), la chaîne propose aux téléspectateurs de revoir les meilleures actions du match (buts, occasions franches, etc.) sous l’angle qu’ils souhaitent.

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On peut bien sûr regretter de ne pas pouvoir aller encore plus loin, d’être limité à seulement 6 angles différents (dont des vues assez anecdotiques comme celles des entraineurs et des remplaçants) et de ne pas pouvoir jouer avec tous les flux de caméra dont dispose le réalisateur. Mais cette proposition de second écran reste aujourd’hui l’une des plus abouties du marché, en ce sens qu’elle apporte au public une expérience véritablement inédite, utile et de qualité. Pour arriver à ce résultat, on sent bien qu’on ne peut pas considérer le second écran comme une simple déclinaison, gérée « au dernier moment ». Le second écran a ici été pensé très en amont, plus d’un an avant le début de la compétition.

C’est la start-up française Netco Sports qui a opéré cette application de second écran pour la FIFA, et l’a revendue en « marque blanche » aux 26 diffuseurs de la compétition à travers le monde, dont TF1 en France. Cette société, qui gère aussi le second écran de Canal+ pour le football et le rugby, travaille donc depuis plus d’un an avec la FIFA et les diffuseurs sur cette application de second écran, et a même fait rajouter, en plus de 34 caméras qui servent à la diffusion télévisée « classique », 6 caméras dédiées au second écran, comme l’explique son PDG Jean-Sébastien Cruz sur le plateau de BFM Business :

Cette proposition, riche et innovante, séduit déjà le public : durant la première semaine de la Coupe du monde, près de 9 millions de vidéos ont été consultées via l’application MyTF1, et 1 million d’internautes ont suivi le match France/Honduras[2] avec ce second écran. Une application qui fait le bonheur de la chaîne, puisqu’en proposant près de 4h30 de direct (avant, pendant et après le match), elle attire un public nombreux qui séduit les annonceurs : la marque VISA sponsorise par exemple le dispositif « multicam », et la MAAF parraine quant à elle les quizz et jeux concours présents sur l’application.

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Quel bilan tirer de cette expérience de second écran ?

L’enjeu central pour un dispositif de second écran est celui de l’audience, et donc de l’utilité perçue par les téléspectateurs. Autrement dit, pour attirer un public nombreux il convient de lui proposer une expérience véritablement différente et de faire du second écran un privilège, un outil utile qui lui apporte des contenus de qualité. Pour ce faire, et on le voit bien dans le cas de la proposition faite ici par TF1, Netco Sports et la FIFA, il est indispensable de penser le second écran comme faisant partie intégrante d’une expérience globale, et non pas de le gérer comme une simple déclinaison. Cette intégration en amont passe alors par le déploiement de moyens spécifiques (l’installation de caméras supplémentaires par exemple), afin de s’assurer de la disponibilité et de la pertinence de contenus exclusifs pour les téléspectateurs.


[1] Twitter a par exemple noué plusieurs partenariats avec des chaînes de télévision, notamment en termes publicitaires (dispositif « Connect Amplify »)

[2] Au regard de l’audience globale de la rencontre (15,8 millions de personnes sur TF1), ce chiffre peut paraître tout relatif. Il représente néanmoins un très bon vue la très faible communication autour de ce dispositif (aucun rappel ou invitation à l’antenne, aucune annonce des commentateurs du match, etc.).