Rencontre avec Jérémie Couston, journaliste à Télérama

Le Jour le plus Court, vendredi 19 décembre 2015, Carreau du Temple, Paris 3e

À l’occasion de la table ronde dédiée à la diffusion, Effeuillage à interrogé le journaliste et critique de cinéma Jérémie Couston sur son activité de prescripteur, et a souhaité connaître son avis sur la place donnée au court métrage dans les grilles de programmes des chaînes françaises.

Effeuillage : Quelle place occupe le court métrage face au long métrage, dans la presse française spécialisée plus particulièrement ?

Jérémie Couston : Une place minuscule. Les festivals sont chroniqués donc certains journalistes vont aux festivals: il y a le Festival International du Court Métrage à Clermont-Ferrand, qui est le plus fréquenté avec quelques journalistes de la presse nationale qui y sont envoyés, donc il y a des comptes rendus ; il y a aussi le Festival du cinéma de Brive pour le moyen métrage, donc je le compte dans le court métrage au sens large. Ce sont pour moi les deux principaux, ceux dans lesquels je me rends presque chaque année depuis 5 ans. Mais c’est une place dans la presse qui est vraiment toute petite par rapport aux 15-20 films qui sortent chaque semaine et qui occupent l’essentiel des rubriques de cinéma des magazines et des quotidiens.

E : Est-ce que, de vous même, vous allez par exemple faire des chroniques sur des courts qui passent dans des magazines tels que Court Circuit justement ?

J.C. : A Télérama nous avons un programme télé, des pages programme, et donc chaque semaine le « Court Circuit » ou « Histoires Courtes » est chroniqué et il y a un petit feuillet qui y est consacré. Le journaliste en question, qui tourne d’ailleurs, a des DVD qu’il regarde et fait une petite chronique sur le programme. Cela est systématique parce que c’est Télérama. Moi les courts métrages, cela m’intéresse beaucoup parce que c’est évidemment là que l’on repère les cinéastes de demain et c’est un vrai plaisir de découvrir un court métrage et ensuite de suivre cet auteur jusqu’à son premier long… quand il en fait un.

E : Pensez-vous que le court métrage soit un format qui amène les auteurs vers le long métrage ?

J.C. : On ne va pas se mentir, la plupart des jeunes cinéastes et des moins jeunes qui font du court le prennent comme un tremplin ou en tout cas pour se faire la main, et puis simplement parce qu’ils n’ont pas suffisamment de moyens pour faire autre chose. Et c’est pour cela que lorsqu’on n’est pas complètement aguerri, tourner un film de 15 minutes est plus facile et moins impressionnant que de réunir une équipe pour un long. Mais aujourd’hui on peut très bien ,si on le souhaite et avec les moyens dont on dispose, commencer par un long, sauf que la tradition et puis peut-être la peur de réaliser un long comme premier film fait que l’on s’échauffe avec quelques courts. Les cinéastes qui ont fait du long et qui reviennent au court existent mais sont très rares.

E : Avez-vous, en tant que journaliste, l’impression d’adopter un ton différent pour parler du court métrage par rapport au long métrage ?

J.C. : Non, je ne crois pas. Et puis ce serait une erreur parce qu’il n’y a pas de raison d’être plus sympa, plus bienveillant à l’égard d’un jeune qui sort d’une école (ou pas) et qui fait un court métrage qui plaît (ou pas.) On peut se tromper évidemment, quand on fait des métiers critiques de toute manière c’est extrêmement subjectif, donc on donne son sentiment, on analyse les images que l’on voit. Pourquoi le court serait-il analysé avec plus de bienveillance que le long ? En termes d’analyse, c’est pareil.

E : Trouvez-vous que l’offre de court métrage sur les grilles du PAF est intéressante ?

J.C. : Moi je suis un professionnel donc je ne regarde pas les émissions de court métrage à 1h du matin. J’ai les DVD donc c’est extrêmement simple pour moi, je peux les regarder à des heures normales et faire autre chose à minuit le dimanche soir. Ce n’est pas la bonne solution mais je ne vois pas comment, avec les chaînes de télévision que l’on a aujourd’hui et les critères de rentabilité d’audience, cela pourrait en être autrement malheureusement. Je souhaiterais que cela en soit autrement mais je ne vois pas qui accepterait de mettre du court métrage à 22h ou à 21h, même sur Arte, cela passe à 00h15. Pourtant il existe certains courts métrages et certains auteurs qui pourraient bénéficier d’une plus grande visibilité. D’ailleurs Un monde sans femmes de Guillaume Brac, qui est présent aujourd’hui à la table ronde, est un moyen métrage que j’ai découvert à Brive  : c’est pour moi l’un des plus grands films français de ces dix dernières années et il a sa place à 21h sur Arte.