Le Jour le plus Court, vendredi 19 décembre 2015, Carreau du Temple, Paris 3e
À l’occasion de la table ronde dédiée à la diffusion du court métrage en France, Effeuillage a interrogé le réalisateur du film Tonnerre et du moyen métrage Un monde sans femme. Il nous parle de son expérience depuis ses premiers courts métrages aux longs, de la vie qu’on connu ses films entre festivals, salles et petit écran ; ainsi que de son rapport aux chaînes de télévision, financeurs et diffuseurs du cinéma français.
Effeuillage : Lorsque vous étiez en préparation de vos courts métrages, pensiez-vous déjà aux moyens de diffusion que vous aimeriez utiliser ?
Guillaume Brac : Oui et non. Quand on fait un court métrage, on sait quelles sont les voies possibles de diffusion, c’est-à-dire essentiellement la diffusion en festivals, l’achat par la télévision avant ou après la réalisation du film, et, de manière très exceptionnelle, la sortie en salles. J’ai réalisé deux courts métrages : le premier, « Naufragé », a eu une vie assez classique. Il est passé dans quelques festivals et a été acheté par une chaîne de télévision une fois fini. Le deuxième, « Un monde sans femmes » était beaucoup plus long, il durait presque une heure. C’était la suite du film précédent, on retrouvait le même personnage dans les deux films, j’ai donc pensé qu’on pouvait faire quelque chose d’intéressant : je rêvais très vaguement de les sortir en salle ensemble, mais je n’y croyais pas trop. Une fois que le film a été fini et acheté par Arte, une attachée de presse, Karine Durance, l’a vu à un festival et l’a beaucoup aimé. Elle en a parlé à un distributeur, qui a décidé de le sortir en salles et de réunir les deux.
E : Considérez-vous que la chaîne de télévision a eu un rôle de tremplin ?
G.C. : Non pas vraiment, mais c’est toujours très agréable pour un réalisateur d’être diffusé à la télévision, pour tous les gens qui ont travaillé dessus, les amis, afin de pouvoir leur dire : « il passera tel jour à telle heure », même si c’est souvent à des heures pas possibles… Financièrement en revanche c’était important car le budget était très restreint.
Effeuillage : Y-a-t-il pour vous une différence de valeur entre une diffusion télé et cinéma ?
G.C. : Pour un réalisateur, la diffusion cinéma a plus d’écho : une sortie salle, c’est une place dans la presse (si le film est apprécié), on en parle beaucoup plus via les émissions et interviews. La visibilité est plus grande, alors qu’il se passe peu de choses après la diffusion télévision. Là encore, financièrement, la télé est intéressante car elle permet au réalisateur de toucher des droits d’auteur.
E : Vous avez évoqué les horaires tardifs de diffusion des courts-métrages dans le PAF, est-ce pour vous révélateur d’un désamour du court-métrage, ou en tout cas d’une certaine frilosité de la part des chaînes de télévision vis-à-vis de ce format ?
G.C. : Oui bien sûr mais le problème est que cela concerne désormais également le long-métrage. Par exemple des films financés par France 3 vont être programmés sur France 4, car les acheteurs ne veulent pas le diffuser en primetime sur France 3. Parce qu’il n’y a pas d’acteur célèbre, notamment. Sinon, des films passent en deuxième partie de soirée. La place du cinéma à la télévision est de plus en plus rare. Sur les chaînes généralistes, il y a peut être deux soirs par semaine consacrés au cinéma, c’est très peu. Sans les obligations du CSA, il y en aurait sans doute encore moins.
E : Voyez-vous le court-métrage comme un tremplin vers le long-métrage ?
G.C. : Oui et non. Parce qu’on se rend rapidement compte que ces deux domaines sont assez cloisonnés. Les financeurs de longs métrages connaissent souvent peu les courts-métrages, et on voit des réalisateurs qui ont fait des courts métrages magnifiques qui semblent redémarrer à zéro au moment de faire leur long métrage. L’inverse est également vrai.
E : Observez-vous des conséquences sur le contenu lorsque les chaînes coproduisent un film ? Ce financement contraint-il la liberté de création ?
G.C. : Sur le court, a priori non, encore que cela peut arriver que certains responsables de chaînes demandent qui va jouer, ce qui me semble être une absurdité. Pour le long métrage, oui il peut y avoir un formatage, certaines exigences. J’ai déjà été confronté à une chaîne qui m’a dit : « votre projet nous intéresse, mais seulement s’il y a un acteur de catégorie 1, un acteur bankable ». Il y a quelques acteurs pour lesquels les chaînes n’hésitent pas à se lancer. Pour les autres, elles réfléchissent à plusieurs fois ! Mais personnellement, je ne prendrai jamais un acteur dont je n’ai pas envie.