L’anglicisme « top of mind » désigne la notoriété d’une marque, ou plus précisément la mesure de cette notoriété auprès d’une personne ou d’une population définie. C’est le fait qu’une marque vienne en premier à l’esprit d’un consommateur lorsqu’on lui pose une question sur un secteur donné – le secteur médiatique par exemple. Cette notion est subjective, car elle repose sur la spontanéité et la mémoire des personnes interrogées.
Il existe trois principaux types de notoriété en marketing1:
- Le top of mind, qui correspond au nombre de personnes qui citent spontanément la marque sans qu’elle soit préalablement citée.
- La notoriété spontanée, qui prend en compte les marques citées spontanément après cette marque dite top of mind.
- La notoriété assistée, qui comprend le nombre de personnes capables d’identifier une marque parmi une liste de propositions.
Le Top of mind, une fin stratégique de notoriété pour un média
Pour se différencier de ses concurrents, une marque cherche à obtenir un statut d’icône ou monopole symbolique. On parle de « tip of tongue »2 quand la marque devient un réflexe pour les consommateurs et acquiert un statut de référence. Devenir le top of mind dans le secteur des médias, c’est être capable d’attirer et de marquer les esprits de son audience, permettant par la suite de rendre le média attractif auprès de gros annonceurs.
Avant de devenir top of mind, il est nécessaire de construire sa notoriété et d’ancrer sa marque dans le temps, ce qui demande de définir des stratégies. Le marketing de branding permet par exemple de construire une image de marque forte. Cela passe par des éléments tels que la création d’un nom, d’un logo, d’une charte graphique et sonore identifiables rapidement et par tous. On associe un univers à une marque, afin que cette dernière marque l’esprit des consommateurs. La stratégie du « buzz », qu’elle soit positive ou négative, peut également permettre de marquer les esprits et faire en sorte que les personnes se souviennent de la marque. Enfin, de nombreux médias utilisent les stratégies de communication habituelles pour faire circuler leurs messages et s’ancrer dans les esprits (affichages publicitaires, présence sur les réseaux sociaux, etc.).
Les effets directs du top of mind
Un fort taux de notoriété spontanée signifie généralement que l’audience du média lui est très fidèle. Les personnes ont le réflexe de l’utiliser, et donc de le citer. Aussi, l’évocation spontanée d’un média par le consommateur, à travers le bouche-à-oreille par exemple, permet d’attirer de nouveaux publics. Ce qui est très utile, car les pairs sont les premiers influenceurs selon une étude réalisée par Webedia en 20203
Le cas de « Netflix »
En France, sur le marché de la SVOD, Netflix s’impose aujourd’hui à la fois comme pionnier et leader du secteur. D’après une enquête de Médiamétrie en 20194, 17,3 millions de Français auraient visité une plateforme SVOD au cours des 12 derniers mois, dont 13 millions sur Netflix. Un usage dominant de ce service de vidéo à la demande, donc, qui induit une notoriété top of mind affirmée. Au-delà d’un monopole statistique, Netflix possède également un monopole symbolique sur le marché de la SVOD : son nom est devenu le terme générique pour désigner la SVOD (comme le Kleenex est devenu le terme générique des mouchoirs il y a un temps). Ainsi, la nouvelle plateforme de vidéo à la demande « Salto » — associant France Télévisions, TF1 et M6 — est régulièrement désignée comme le « Netflix français ».
Pourtant, à ses débuts en hexagone, le géant américain avait encore beaucoup de travail à réaliser quant à sa notoriété. En 2014, seulement 24% des répondants connaissaient déjà le service, contre 76% n’ayant encore jamais entendu parler de la plateforme. L’ancien directeur marketing de Netflix, Xavier Albert, avait alors déclaré : « Nous ne sommes pas en quête du reach absolu et immédiat. On s’inscrit sur le long terme . »5
En effet, la stratégie de notoriété de Netflix s’est développée sur le long terme et a permis à la plateforme de s’installer dans les esprits des Français comme une évidence. Tout d’abord, la plateforme est la première en France à proposer des fonctionnalités innovantes, qui se sont imposées en peu de temps comme un nouveau modèle de consommation des images. Son accessibilité économique, associée à la promesse d’un flux de contenus, en apparence illimité, l’a différencié de l’offre linéaire de la télévision. L’identité visuelle et sonore de Netflix s’est également imposée dans l’inconscient collectif. Sa pastille sonore (« TOUDOUM ») est immédiatement identifiable, et contribue de fait à sa notoriété top of mind. En termes de promotion, Netflix cherche également à être omniprésent sur différents canaux (affichage publicitaire, réseaux sociaux) et adopte une ligne éditoriale amicale, à l’humour parfois osé, qui incite les usagers à partager ses contenus social media.
Aujourd’hui, le marché de la SVOD, en France comme à l’international, est soumis à une densification des offres qui tendent à concurrencer la notoriété top of mind de Netflix. Mycanal, Disney +, OCS sont autant de concurrents nouveaux. Et s’il est possible que certains utilisateurs désertent Netflix pour des offres concurrentes jugées plus attrayantes, il n’empêche que la plateforme semble encore largement ancrée dans les pratiques et les esprits. Reste donc à savoir si le géant américain pourrait, un jour, perdre son monopole symbolique, ce qui jouerait probablement aussi sur son monopole économique.