La figure médiatique du duo journalistique à la télévision
La question de la parité est désormais un sujet de réflexion dans tous les corps de métier. Le secteur de l’audiovisuel est d’autant plus concerné que ses choix sont visibles et audibles. On observe de plus en plus souvent sur nos écrans des duos de journalistes composés d’un homme et d’une femme. Mettre à l’antenne des « couples » de présentateurs s’explique à la fois par un devoir de parité et par la fabrication de situation de dialogue et de convivialité.
L’inspiration américaine
Le recours au duo journalistique a pris de l’importance à partir de 1980, année de la création de CNN (Cable News Network), première chaîne d’information en continu américaine. Avec ce nouveau dispositif d’information au flux ininterrompu, les téléspectateurs, américains d’abord, puis du monde entier lorsque que le concept s’est étendu au-delà des frontières, rencontrent une nouvelle incarnation, à la limite de l’information et de la mise en scène : un duo mixte composé d’un homme et d’une femme qui interagissent à l’écran dans un renvoi perpétuel et minuté de la parole.
La France n’a pas tardé à s’inspirer de cette pratique américaine : sur le modèle de la matinale « Good Morning America », Jean-Claude Bourret crée et présente « Bonjour la France » dès 1984 sur TF1 le week-end, alors que Jean-Claude Narcy présente la semaine. Muriel Hees complète la présentation en assurant la météo, calquée sur l’exemple américain qui met en scène un homme et une femme. Cette mixité va se systématiser quand en France sont créées les chaînes d’information en continu, sur le modèle de CNN avec LCI en juin 1994.
Le duo dans le débat politique
Ces couples permettent de dynamiser l’information et de rompre avec la monotonie de son flux continuel en mimant les comportements d’une interaction classique. Dans la matinale de CNews en 2019, Clélie Mathias et Romain Desarbres partagent le temps de parole ainsi que les différentes thématiques sous la forme d’une discussion. Les journalistes créent, avec ces échanges ponctués de traits d’humour, une relation et une impression de complicité – ce qui diffère fortement des débats télévisés, qui ne permettent pas cette relation à cause de leur charge institutionnelle et de leur ponctualité.
Dans la matinale « Première Edition » présentée par Adeline François et Christophe Delay sur BFM TV, les thèmes sont abordés sous la forme d’une discussion et d’un dialogue. Des jeux de regards et des sourires ont pour objectif de créer à l’écran un espace synonyme de « convivialité »1. Cette convivialité s’illustre par la mise en scène télévisuelle du plateau, plus particulièrement par le passage à un espace « salon » qui transpose la représentation de l’espace domestique à l’écran : les journalistes, assis côte à côte, accueillent un invité. Ce changement de décor s’accompagne d’un changement de registre langagier. Le ton, plus amical, place l’échange sous le signe de la confidence.
LCI, chaîne du groupe TF1, met en place la même logique. Christophe Moulin et Anne-Chloé Bottet présentent tous deux la matinale du week-end. Dans ce « Rendez-vous décontracté d’information »2, les deux animateurs arborent un style vestimentaire simple et décontracté et accueillent le téléspectateur, qui assiste alors à une discussion entre deux personnes qui donnent l’impression de se connaître… tout en respectant la parité.