Les traitements télévisuels des transgenres
Les définitions de la transidentité sont nombreuses et tendent à se contredire tant le sujet est polémique[1]. Selon le Larousse, la transidentité se dit d’une personne qui adopte l’apparence et le mode de vie de l’autre genre, mais sans changer de sexe. Cette définition est contestée dans les milieux militants car elle réduit l’expérience des trans à un seul parcours de transition. La Transcyclopédie[2]parle d’une identité de genre différente du sexe de naissance, distinguant donc la question du genre de celle de l’attirance sexuelle. Le site infotransgenre reconnaît une personne transsexuelle comme s’estimant appartenir à l’autre sexe que celui de naissance sur le plan psychique, social et sexuel. Avec le traitement médiatique croissant des personnes trans, une nouvelle distinction a vu le jour entre personnes transgenres (qui n’ont pas encore procédé à une transition) et personnes transsexuelles (qui ont procédé à une transition).
Transgenre à la télévision, entre intégration et exclusion
La télévision française commence à s’intéresser au sujet transdans les années 80. Tandis que la médiatisation des personnes transsexuelles est accompagnée d’appel à la tolérance, celle des transgenres est souvent associée à la prostitution, comme en attestent les reportages sur le bois de Boulogne (« Direct », Antenne 2, 26 février 1992).Progressivement, les personnes transgenresapparaissent à la télévision dans les émissions de débats et les talk-shows comme « Ciel mon mardi » (TF1, 2001), « Vie privée, vie publique » (France 3, 2003) ou encore « Ça se discute »(France 2, 2004). La période 1983-2009 compte de nombreux programmes présentant des récits de transitions[3], entrecoupés d’interventions d’experts médicaux. Deux représentations des transidentités apparaissent alors: le transgenreen quête d’intégration, cherchant à vivre sa vie comme homme ou femme, et celui qui ne se reconnaît pas dans le système homme-femme auquel est habituée notre société.
Couverture médiatique, entre visibilité croissante et stigmatisation constante
« Statistiquement, la visibilité trans explose depuis 2010 », assure Arnaud Alessandrin, sociologue et co-auteur de La Transyclopédie. De nombreux programmes télévisés français touchant des publics variés mettent en avant des personnages ou héros trans : « Grey’s anatomy » (TF1), « Louis(e) » (TF1), « Plus belle la vie » (France 3) ou bien « Amour Gloire et Beauté » (France 2). Ces nouvelles médiatisations permettent de banaliser la thématique et de s’intéresser à d’autres aspects de la personnalité des individus que leur simple transition. Les représentations actuelles des figures trans en France restent polémiques et reflètent des visions encore « simplistes ou sensationnalistes » selon Karine Espineira, chercheuse associée au Laboratoire d’études du Genre et de Sexualité de l’université de Nice-Sophia-Antipolis. On a pu le constater avec l’émission du 31 mars 2018 de « Salut les Terriens » (C8). L’émission recevait un couple homosexuel pour parler de leur « incroyable histoire » : l’un d’entre eux est l’un des premiers hommes enceints, il est né avec un corps de femme et a donné naturellement naissance à leur enfant. Un bandeau affichait « La maman est à gauche de l’écran »[4]. Bien que les traitements médiatiques des figures transgenres soient en hausse, leur compréhension et leur visibilité restent un enjeu.
[1]voir article sur la transidentité dans les productions cinématographiques, CSA
[2]La Transyclopédie : pour tout savoir sur les transidentités, Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas, Arnaud Alessandrin, édition des Ailes sur un tracteur, 2013
[3]Karine Espineira, « La médiatisation des politiques transgenres : du statut de contre-public à l’inégalité de la représentation », Revue française des sciences de l’information et de la communication[Online], 4 | 2014