La youtubeuse : une figure féminine médiatique
Le site d’hébergement de vidéos YouTube a été créé en 2005. Cette plateforme(1) permettant à des vidéastes de publier leurs contenus et à des internautes de réagir est devenue un véritable « réseau social »et compte aujourd’hui plus d’un milliard d’utilisateurs(2). Signe d’un changement d’échelle médiatique et de l’instauration d’une forte identité de marque, les vidéastes de la plateforme, souvent appelés « youtubeurs », se professionnalisent et attirent l’attention des marques qui cherchent à accroître leur visibilitéauprès de leurs publics.
Les « youtubeuses » sont par exemple au cœur des stratégies de communication de l’industrie cosmétique et de la mode et certaines sont même devenues d’importants relais médiatiques pour ces marques. Le terme « Youtubeuse » n’est pas seulement le féminin de « youtubeur », il renvoie à un type de vidéo centré sur la beauté(3)(maquillage, coiffure, vêtements) et alimente ainsi plus largement une représentation stéréotypée de la féminité. Les « youtubeuses-beauté »(4) participent en effet à la création d’un imaginaire féminin « genré »(5) dans lequel la femme est davantage définie par l’image qu’elle renvoie d’elle à l’extérieur, par son physique.
La youtubeuse beauté : un stéréotype à part entière ?
Être youtubeuse aujourd’hui, c’est être associée au grand marché de la beauté. Pourtant les femmes françaises les plus suivies sur la plateforme, à savoir Natoo et Andy, sont humoristes. Or, cette thématique est très minoritaire dans la production des femmes sur la plateforme YouTube. Parmi les 9 youtubeuses les plus influentes en France, 7 s’inscrivent dans la thématique « mode-beauté-lifestyle »(6). Les contenus dits « féminins » sont les mêmes que ceux véhiculés par la presse féminine : la vie de couple, la mode, le maquillage, la décoration et la famille sont des thématiques qui renvoient à une vision unique de la femme et de ses centres d’intérêt.
La standardisation de ces vidéos, c’est-à-dire la reproduction et l’imitation des tutoriaux beauté par de nouvelles vidéastes, a amené à l’émergence d’un personnage médiatique, la Youtubeuse beauté. La Youtubeuse beauté devient au même titre que la bloggeuse mode un stéréotype qui est apprécié de la même audience que celle de la presse féminine, celle des 15-24 ans, et son enjeu marketing devient de plus en plus puissant.
Le « marketing de la bonne copine »
Fortes de cet héritage et grâce à leurs milliers de vues et d’abonnées, les youtubeuses sont aujourd’hui devenues incontournables dans la stratégie marketing d’une marque. Leur grande influence (quand une youtubeuse met en avant un produit ou devient l’hégérie d’une marque, on observe une sensible hausse des ventes du produit dans la journée suivante), leur légitimité acquise via l’expérience personnelle et la proximité avec leur audience les définissent aujourd’hui comme des « influenceuses »(7). Un seul message de leur part sur les réseaux sociaux entraîne une réaction immédiate de leur audience (« like », commentaire, achat). C’est cette sphère d’influence puissante et ciblée qui présente une plus-value importante pour une marque et développe un « marketing de la bonne copine » efficace.
Les vidéos de youtubeuses sont donc devenues de nouveaux supports de publicité pour les marques et, malgré l’apparence de liberté créative totale de la plateforme, elles exacerbent et normalisent les stéréotypes associés aux univers féminin(8).
Infographie 2 : Part des thématiques principales abordées par les 9 youtubeuses françaises les plus influentes en 2018
(1) « Plateforme » en tant que support qui met en relation un producteur de contenu avec des internautes.
(2) Ce chiffre correspond à 1/3 des internautes dans le monde.
(3) Outre la catégorie beauté, certaines youtubeuses sont tout aussi influentes et proposent d’autres contenus (comme Natoo ou Andy pour l’humour). Elles sont cependant en minorité (voir infographie 1).
(4) La « youtubeuse » est usuellement associée à la beauté (il suffit de taper « youtubeuse » sur Google pour que ce dernier suggère automatiquement le mot-clé « beauté »).
(5) Ce qui se rapporte au genre donc aux caractéristiques supposées d’un sexe
(6) Voir infographie 2 : part des thématiques principales abordées par les 9 youtubeuses les plus influentes en 2018.
(7) Asselin, Christophe. « Marketing d’influence : les stratégies des marques ». Digimind Blog(blog), 24 novembre 2016. https://blog.digimind.com/fr/insight-driven-marketing-fr/construire-strategie/marketing-dinfluence-les-strategies-des-marques/
(8) « YouTube aurait pu être une page blanche, elle est le reflet des pires stéréotypes sur le genre ». Slate.fr, 14 novembre 2017. http://www.slate.fr/story/153825/youtubeurs-youtubeuses-stereotypes-genre.